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ALCIAT.

quicquam accessionis (quam quidem scio mihi minimè invideres) consequar remanendo, nisi simul accessio fiat fortè novi laboris[1]. Je sentirais quelques remords de conscience, si je ne disais ici que M. de la Monnaie m’a indiqué ce passage de Vossius. Outre cela, il m’a fait savoir les particularités suivantes : « Il paroît par la XIIe. lettre du IIe. livre des lettres de Sadolet, qu’Alciat, dès la première année de son séjour à Bourges, avoit ou feignoit avoir dessein d’aller professer le Droit à Bologne. Deux lettres italiennes du Bembe, l’une du 7 de juillet 1532, et l’autre du 23 de février 1533, apprennent beaucoup de particularités touchant le dessein qu’avoit la république de Venise d’attirer Alciat à Padoue[2] Les professeurs de cette université en étoient dans une appréhension mortelle : entre autres, Franceschin da Corte, en latin Franciscus Curtius, qui, pour détourner la venue d’un tel collègue, faisoit courir le bruit que le duc de Milan, François Sforce, mal nommé François Marie par Pancirole, lui avoit défendu sous de très-rigoureuses peines de quitter la chaire de Pavie, sotto pena di confiacatione. » Pour ne pas trouver ici un peu d’embarras, il faut, ce me semble, que nous supposions que le 23 de février 1533 de la lettre de Pierre Bembus est de l’an 1534, à commencer l’année au mois de janvier ; car, sans cela, nous ne pourrions point comprendre qu’Alciat eût été à Pavie lorsque cette lettre fut datée : lui, qui avait professé cinq ans à Bourges, et qui n’avait commencé à y professer qu’en 1529. En consultant les lettres latines du même Bembus, j’ai trouvé qu’il écrivit à notre Alciat, le 15 de juillet 1532, pour l’exhorter à venir prendre possession de la chaire qui lui avait été offerte dans l’académie de Padoue. Il lui lève la difficulté qui le tenait en suspens, et qui consistait en ce que la république de Venise ne promettait pas la même espèce d’écus qui avait été demandée [3]. Bembus lui fait voir que pour une si petite différence, il ne fallait pas se dégager de sa promesse ; et si vous venez, ajoute-t-il, je prends sur moi de vous faire avoir en peu de temps toute la somme que vous avez indiquée, et bien d’autres avantages. Il lui écrivit encore le 21 d’avril 1534. Alciat était alors à Pavie, et n’y vivait pas content. Bembus lui déclare que, quant à lui, il acquiesce à ses excuses ; mais que les curateurs de l’académie de Padoue ne s’en payaient pas, et qu’ils étaient persuadés que la demande d’une chaire de jurisprudence au milieu d’eux avait été fondée sur un motif d’intérêt, c’est-à-dire, qu’Alciat n’avait voulu être professeur dans l’académie de Padoue, qu’afin de se servir de ce poste pour se procurer de plus gros gages auprès du duc de Milan : Utinam tam æqui in te judices Præfecti Ludi Patavini essent, neque sibi persuasissimum haberent, te proptereà profitendi jus civile hâc in urbe locum postulavisse, ut eo tradito apud ducem istum tuum uterere ad largius atque uberius ab eo stipendium promerendum [4].

Alciat s’était déjà servi de la même ruse, pendant qu’il était à Avignon. Il chargea l’un de ses amis[5] de faire en sorte qu’on l’appelât, ou à Bologne, ou à Padoue. Il n’avait point dessein d’accepter ces vocations ; mais il s’en voulait servir pour faire augmenter ses gages. Nous savons cela par des lettres qu’il écrivait en ce temps-là, et qui ont été imprimées à Utrecht, l’an 1697 : Si mille mihi aurei Ferrariæ constitueruntur, eò non irem : et satis non possum non mirari, qui tibi in mentem venerit, hanc conventionem cum eo tractare ; cùm de Patavino, aut Bononiensi Gymnasio solùm tibi mandata dederim : quamvis nec mihi displiceant tua ista consilia : non quòd in has Academias venturus sim, sed quòd Avenionenses, si sciverint ab aliis quoque me sollicitari, ne eos deseram, timebunt, et augebunt stipendia. Quare cum eis potissimùm velim hæc dis-

  1. Vossius, Epist. XLVIII, pag. 91, 92. Elle est datée de Leide, le 1er. de juin 1625.
  2. Ces Lettres du Bembe sont aux pages 645 et 654 du Recueil intitulé Lettere di XIII Huomini illustri, imprimé à Venise, en 1560, in-8°. Voyez aussi les XXIXe. et XXXe. Lettres du VIe. livre du Bembe.
  3. Cùm tu nummos aureos solares petieris, illa tibi tantùm aureos est pollicita. Petrus Bembus. Epist. XXIX, lib. VI, pag. 634.
  4. Bembus, Epist. XXX, lib. VI, p. 635.
  5. Nommé Franciscus Calvus.