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DICTIONNAIRE
HISTORIQUE ET CRITIQUE
DE PIERRE BAYLE.
A.

AARON, grand-prêtre des Juifs et frère de Moïse. Son histoire est trop facile à trouver dans le Pentateuque, dans le Dictionnaire de Moréri, dans celui de M. Simon, pour ne me dispenser pas d’en faire ici un article. Je dirai seulement que la faiblesse qu’il eut de condescendre aux désirs superstitieux des Israélites dans l’affaire du veau d’or, a donné lieu à bien des mensonges (A). Un certain Monceau, ou Moncæius[* 1], publia, vers le commencement du dix-septième siècle, une apologie d’Aaron[a], qui fut condamnée à Rome par l’inquisition, comme le jésuite Cornélius à Lapide l’avait prédit à l’auteur[b]. On suppose, dans cette apologie, qu’Aaron eut dessein de représenter le même objet que Moïse représenta quelque temps après, je veux dire un chérubin, et que, contre son intention, les Israélites adorèrent cette figure. Un docteur de Sorbonne, chanoine d’Amiens[c], réfuta solidement ces suppositions l’an 1609. Il y en a qui disent que la crainte d’être assommé fit qu’Aaron eut cette criminelle complaisance, et qu’il espérait qu’en proposant aux femmes de fournir leurs pendans d’oreilles, il éluderait la demande de ce peuple, comme si elles eussent dû aimer mieux n’avoir point de divinité visible que se priver de leurs ornemens ; mais qu’il éprouva que rien ne coûte à des esprits enivrés de superstition et d’idolâtrie[d]. L’Écriture Sainte ne favorise nullement ceux qui prétendent que le veau d’or n’était que de bois doré (B).

Je ne crois point que l’on doive dire que Dieu suspendit en faveur d’Aaron l’action du feu, tout comme en faveur des trois Hébreux qui furent jetés dans la

  1. * Joly dit qu’il s’appelait Monceaux ou des Monceaux.
  1. Elle a pour titre : Aaron Purgatus. On la réimprima à Francfort l’an 1675, in-8. L’édition de Leipsick, 1689, in-12, dont il est fait mention au XVIIe. tome de la Bibliothéque Universelle, ne diffère de celle de Francfort qu’en ce que les libraires ont imprimé un nouveau titre.
  2. Cornel. à Lapide, Commentar. in Exod. Cap. XXXII, vs. 4, pag. 605.
  3. Il se nomme Visorius. Son livre a pour titre : Destructio pseudo-Cherubi Moncæi.
  4. Idem Cornel. à Lapide, ibid.