Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/514

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
468
ALTING.

Altilius aurait été plus blâmable, si, après avoir obtenu la mitre à force de prêcher, il eût fait comme bien d’autres, qui ne prêchent plus dès qu’ils se voient au rang d’évêque. Ils savent, qu’afin de conserver cette sorte de domination, il n’est pas besoin d’employer les mêmes expédiens dont on s’est servi pour y parvenir[1].

Paul Jove n’a guère été plus heureux quant à la question de fait. Il prétend qu’Altilius ne fit plus de vers depuis son élévation à l’épiscopat, et que le plus beau de ses poëmes est l’Épithalame d’Isabelle d’Aragon[2]. Je ne doute pas que cette Isabelle ne soit celle qui fut accordée le 1er. de novembre 1472 avec Jean Galeas Sforce, duc de Milan. Je ne saurais donc me persuader qu’Altilius soit coupable de la désertion qu’on lui impute. Il devint évêque l’an 1471 : le plus beau de ses poëmes fut composé depuis ce temps-là : peut-on donc se plaindre que la mitre l’ait fait abandonner le Parnasse ? Notez qu’il fit cet Épithalame, non pas au temps des fiançailles, mais au temps des noces d’Isabelle d’Aragon, c’est-à-dire, l’an 1489[3]. Cela se prouve par les premiers vers :

Purpureos jam læta sinus Tithonia conjux
Extulerat, roseoque diem patefecerat ortu,
Cæruleum tremulo percurrens lumine pontum,
Qui cupido sua vota viro desponsaque dudum
Connubia, optatosque locos et gaudia ferret.


Par-là, nous convainquons d’une grosse faute l’abbé Ughelli, qui a dit qu’Altilius mourut dans son évêché de Policastro, l’an 1484[4]. On peut prouver qu’il ne mourut qu’environ l’an 1501 ; car Jovien Pontanus observe, en parlant de la nouvelle de sa mort, que Sannazar s’en allait en France avec le roi Frideric[5].

(E) On n’a inséré dans les recueils de Gruterus et de J.-M. Toscan, que l’Épithalame d’Isabelle d’Aragon. ] J’entends par le recueil de Gruterus l’ouvrage qu’on intitule Deliciæ CC. Italorum Poëtarum, collectore Ranutio Ghero. Le recueil de Jean-Matthieu Toscan est intitulé, Carmina illustrium Poëtarum Italorum. Cet auteur dit dans son Peplum, qu’il n’a lu que l’Épithalame, et quelque peu d’épigrammes d’Altilius. Celui qui a procuré en 1689 une nouvelle édition des poésies latines de Sannazar[* 1], et qui les a ornées de quelques notes, observe qu’il ne se souvient point d’avoir vu d’autres pièces imprimées d’Altilius, que l’Épithalame et une épigramme ; d’où il infère qu’il s’en est perdu beaucoup, puisque Paul Jove parle des élégies de ce poëte, et que Sannazar lui attribue des odes [6]. Pour réparer en quelque façon cette perte, on nous a donné dans les notes sur Sannazar trois ou quatre pièces d’Altilius, qu’on avait en manuscrit[* 2]. Le Toppi fait mention de trois pièces d’Altilius, insérées ne’ Fiori delle Rime de’ Poeti illustri raccolti ed ordinati da Girolamo Ruscelli, stampati in Venetia, nel 1558, in-8o. [7]. Ces trois pièces sont : Gabrielis Altilii Lamentatio, ejusdem Epithalamium, ejusdem Elegia.

  1. (*) C’est feu M. Broeckhusius. Rem. crit.
  2. * La Monnaie sur les Jugemens des Savans, n°. 1234, et Leclerc après lui, et Joly après eux, remarquent que ces pièces avaient paru à la suite des poésies de Bazilius Zanchius, Bâle, chez Oporin, 1555, in-8°.
  1. Salluste a dit que, Imperium facilè iis artibus retinetur, quibus initio partum est.
  2. Jovius, Elogiorum cap. CXXV.
  3. M. de la Monnaie m’a communiqué cette remarque.
  4. Ughelli Ital. Sacra, tom. VII, pag. 796.
  5. Jovian. Pontanus, in Dialogo cui titulus Ægidius, pag. 1471, 1487. M. de la Monnaie m’a indiqué cela.
  6. Notæ in Sannaz., pag. 184.
  7. Toppi, Bibliotheca Napoletana, p. 102.

ALTING (Henri), professeur en théologie à Heidelberg et à Groningue, naquit à Embden, le 17 de février 1583. Sa famille était depuis long-temps fort considérable dans la Frise. Dès le berceau, il fut destiné à une charge où son père s’était signalé ; je veux dire au saint ministère (A). Pour cet effet, on l’envoya de fort bonne heure aux écoles ; et après qu’il eut fait à Groningue ses humanités et son cours de philosophie, on le fit aller en Allemagne, l’an 1602. Il s’arrêta trois ans à Herborn, et y fit de si grands progrès sous le célèbre Piscator, sous Matthias Mar-