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ALTING.

gendarmer tout le monde, et de réveiller les préjugés les plus vénérables ; c’était de dire qu’Alting était un innovateur, un homme qui remuait les bornes sacrées que nos pères avaient si sagement mises sur les confins de la vérité et du mensonge. Il devint accusateur public seulement sur XXXI propositions erronées qu’il imputait à Jacques Alting. Les curateurs de l’académie envoyèrent aux théologiens de Leide l’écrit de l’accusateur et la réponse de l’accusé, sans en avertir les parties, et les prièrent de prononcer là-dessus. On rendit un jugement digne de remarque (B) : on trouva Alting exempt d’hérésie ; on blâma seulement son imprudence à forger de nouvelles hypothèses ; d’autre côté, on trouva que Des-Marets avait manqué de modestie et de charité[a]. Ce dernier n’acquiesça point à ce jugement, et n’accepta pas l’offre du silence : il voulut que la cause fût examinée par les consistoires, par les classes et par les synodes ; mais les supérieurs n’y voulurent pas consentir, et défendirent d’écrire ni pour ni contre le jugement des théologiens de Leide : ainsi l’ouvrage de Des-Marets, Audi et alteram partem, fut supprimé. Cette querelle fit un grand bruit, et eût pu avoir de fâcheuses suites, par la vocation de Des-Marets à l’académie de Leide[b] ; mais il mourut à Groningue[c] avant que de prendre possession de cet emploi. Il se fit une manière de réconciliation au lit de mort (C) : j’en parlerai dans les remarques. Alting fut obligé de se plaindre qu’on l’avait joué (D), et ne fut point en repos après avoir été délivré d’un adversaire si terrible : le clergé grondait éternellement contre ce qu’il appelait innovations (E) ; mais le bras séculier arrêtait par sa prudence les tempêtes synodales ou consistoriales, et menaça d’interdiction ceux qui, dans quelque assemblée ecclésiastique, remueraient la querelle de ces deux athlètes. Alting n’eut guère de santé les trois dernières années de sa vie ; et enfin, une fièvre continue qui n’avait duré que neuf jours, l’ôta de ce monde, le 20 d’août 1679. Il mourut pieusement, résigné aux ordres de Dieu ; et recommanda plusieurs fois à Menso Alting, son cousin, bourgmaître de Groningue, l’édition de toutes ses Œuvres. On a satisfait à ce désir quelques années après sa mort, par l’impression de cinq volumes in-folio (F). Il avait vécu hors du mariage jusqu’à l’âge de près de trente ans : enfin, il s’ennuya de cet état, et se maria (G). S’il avait encore vécu quelque temps, il aurait composé deux livres, l’un en latin, l’autre en flamand. Le premier eût été une Apologie de sa doctrine, et l’autre une Histoire de sa Vie depuis son professorat ; et l’on aurait vu par ce moyen l’injustice qu’on lui avait faite, en lui suscitant une

  1. Cùm Altingium ab omni hæreseos notâ absolverent, in ipso autem prudentiam in procudendis novè inventis, in Maresio modestiam et charitatem requirerent. Vita Jacobi Alting.
  2. Et res miram habitura catastrophen, Maresio quamquam sene ad theologiæ professionem Lugdunum in Batavis vocato. Vita Jacobi Altingii.
  3. Au mois de mai 1673.