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AMBOISE.

duction d’une comédie italienne. Il se nomme à la tête de cette version, Thierry de Timophile, G Picard ; et prit aussi le même masque à la tête des Regrets funèbres de quelques animaux, qu’il traduisit de l’italien en 1576, et à la tête du Dialogue et Devis des Damoiselles, qu’il publia l’an 1583. La Croix du Maine, qui m’apprend cela, dit que cet auteur avoit connoissance de beaucoup de langues, et qu’il avoit publié plusieurs ouvrages en langue latine. Son recueil de Devises fut publié à Paris après sa mort, l’an 1620.

(C) Il a recueilli les manuscrits de Pierre Abélard. ] Il fit ses diligences là-dessus d’une manière à mériter la gratitude du public : c’est à ses soins que nous devons une fort bonne édition des écrits de ce fameux dialecticien. Elle comprend, 1°. les lettres qu’Abélard et Héloïse s’écrivirent, qui sont précédées de la relation qu’il fit lui-même de ses infortunes ; 2°. les lettres qu’il écrivit à quelques autres personnes, et celles que saint Bernard, l’abbé de Clugni, etc., écrivirent au sujet de ses erreurs, ou de sa condamnation, ou de sa mort, avec quelques traités qu’un de ses disciples publia pour lui ; 3°. quelques traités dogmatiques d’Abélard, comme l’Exposition de la Prière Dominicale, celle du Symbole des apôtres, celle du Symbole de saint Athanase, la Réponse à quelques questions d’Héloise, un Commentaire sur l’Épître de saint Paul aux Romains ; 4°. plusieurs Sermons sur les principales fêtes ; 5°. une Introduction à la Théologie, où se trouve son livre sur la Trinité ; 6°. de savantes notes d’André du Chesne sur l’histoire des calamités d’Abélard. Il y a encore quelques ouvrages de cet auteur, qui ne sont pas imprimés. On en peut voir les titres dans le Supplément du père Oudin[1], avec les bibliothéques où ils se trouvent : François d’Amboise a fait traduire en notre langue les règles qu’Abélard avait marquées aux religieuses du Paraclet. Sa préface apologétique a déplu à bien des gens, et quelques-uns ont débité qu’elle fut cause de ce que l’on fit à Rome contre l’ouvrage qu’il publia. Et ce que depuis naguères les Œuvres de cet Abajelard, ayants été imprimez, ils auroient passé par l’indice expurgatoire de Rome, je crois que la faulte n’en doibt tant estre imputée à l’auteur qu’à celui qui auroit fait la préface ; en laquelle, au lieu d’avertir le lecteur d’estre sobre en la lecture de tels et tels passages d’Abajelard, il se seroit ingéré de le vouloir deffendre : et de là le désordre. C’est ainsi que parle l’auteur des Antiquités de Melun, avocat au parlement de Paris[2]. On ne peut pas dire dans la bonne exactitude qu’il ait fait la Vie de Pierre Abélard[3] : il n’a donné qu’un court récit des principales aventures de ce personnage. Ce récit contient un assez bon nombre d’erreurs : ce n’est pas ici le lieu de les critiquer ; mais, sans sortir du véritable sujet de cette remarque, je puis fort bien dire que François d’Amboise n’a pas procuré à Pierre Abélard toute la gloire qu’il croyait lui procurer par l’édition de ses Œuvres. Le public n’a point trouvé dans les écrits de cet auteur cette grande subtilité, cette grande force qui le rendirent si célèbre durant sa vie. Écoutons encore une fois Sébastien Roulliard : Quant aux escripts de cet Abajelard, dit-il[4], certainement ils ne m’ont semblé remplir la capacité ni correspondre à la grandeur des titres et éloges à lui donnez par tant d’insignes autheurs. Et partant me suis-je persuadé que l’excellence de cet homme gisoit en un esprit præsent, en un discours facond et fæcond, et en la force d’un génie philosophique qui le rendoit redoutable et invincible en toutes sortes de disputes. Comme on ha veu de nos jours deux ou trois personnages avoir aquis grande estime par aucunes de ces perfections ; et néanmoins ce qu’ils ont fait imprimer de leurs escripts s’est trouvé beaucoup inférieur à ce que chascun en auroit attendu.

(D) Il a mis unc préface apologétique aux Œuvres d’Abélard de l’édition de l’an 1616. ] La commodité des chiffres a ses incommodités. Les impri-

  1. Pag. 413.
  2. Sebast. Roulliard, pag. 350. Son livre fut imprimé à Paris, l’an 1628, in-4°.
  3. On le dit pourtant dans le Catalogus Autorum Catalogorum, etc. de M. Teissier, p. 290.
  4. Hist. de Melun, pag. 348.