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AMYOT.

charge lui fut conservée, mais qu’on y ajouta aussi un nouvel éclat en sa faveur : car quand Henri III fit Amyot commandeur de l’ordre du Saint-Esprit [a], il voulut qu’en sa considération tous les grands-aumôniers de France fussent à l’avenir commandeurs nés de cet ordre (F). Amyot, au milieu de ses dignités, n’oublia point ses études : il revit exactement toutes ses versions, et les compara au texte grec ; il y fit bien des changemens : en un mot, il songeait à une édition plus parfaite, où il voulait ajouter les diverses leçons des manuscrits ; mais il ne vécut pas assez pour mettre la dernière main à ce travail. Les guerres civiles et l’esprit rebelle de ses diocésains lui causèrent mille chagrins (G) : il fut volé en revenant des états de Blois, l’an 1589. Il mourut le 6 de février 1593[* 1], courant sa soixante-dix-neuvième année (H). Il avait prêché quelquefois le jour des fêtes solennelles. Il employait la langue latine en composant ses sermons, quoiqu’il les prononçât en français. Il avait une coutume fort particulière en prêchant : il tournait du côté du peuple l’ouverture de la chaire, et se tenait assis au milieu sur un fauteuil. Il se mêla de poésie, et n’y réussit pas (I). Voilà ce que j’ai extrait d’une Vie d’Amyot, commencée par lui-même, et achevée par son secrétaire[b]. Ses traductions ont été son plus bel endroit (K), quoique les sentimens de tous les critiques ne lui soient pas favorables (L) à cet égard, et qu’on ait même voulu dire qu’il y a été plagiaire (M). Quelques-uns l’ont accusé d’avarice (N). L’abbé de Saint-Réal a su mille particularités curieuses qui ne sont point dans la Vie d’Amyot [c]. On les peut voir dans le Dictionnaire de Moréri : c’est ce qui aurait fait que je ne m’en serais pas servi, quand même je n’aurais pas douté qu’elles fussent véritables. Si j’ai quelques supplémens ou quelques éclaircissemens à joindre à ce que l’on vient de lire, je les mettrai dans les remarques[* 2].

  1. * Il avait, dit Joly, soixante et dix-neuf ans, trois mois et huit jours.
  2. * « Bayle, comme tous ceux qui ont parlé d’Amyot, a oublié, dit Joly, un ouvrage de ce Prélat : in Caroli noni regis christianiss. immaturum obitum Epicedium.... Cette pièce est insérée dans un recueil imprimé sous ce titre : Invictiss. Galliarum regis, Caroli noni, piissimi, justissimique principis tumulus. Paris, Morel, 1574, in-4°. » Cette pièce, mentionnée dans la Biblioth. histor. de La France, (édit. de Fontette) a 108 vers. Nicéron parle d’un volume d’Œuvres mêlées (d’Amyot), Lyon, Frellon, 1611, in-8°. M. Barbier (Examen critique et Complément des Dict. historiques) pense que ce volume, que personne n’a pu voir, ne peut être que les Œuvres morales et mêlées de Plutarque, de la traduction d’Amyot, imprimées à Lyon, chez Paul Frellon, 1611, 2 vol. in-8°. qui ont pu être reliés en un vol. in-8°. ; mais dont le titre, abrégé et dénaturé par quelque libraire, aura induit en erreur le père Nicéron. On a, il y a quinze ans, imprimé pour de première fois un ouvrage d’Amyot, intitulé : Projet de l’Éloquence royale, composé pour Henri III, roi de France, Paris, 1805, in-4°. et in-8°.
  1. À la première institution de cet ordre, de 31 de décembre 1578.
  2. Elle est en Latin, et n’a pas été imprimée ; mais Sébastien Roulliard, avocat au parlement de Paris, qui l’a lue, en a publié un extrait dans les Antiquités de Melun, p. 605 et suiv. C’est de son Extrait que j’ai tiré cet article. [Cette Vie avait été imprimée, comme le dit Leclerc, dans la Nova Bibliotheca manuscriptorum Librorum du père Labbe, 1657, in-folio, pag. 521 et suiv.
  3. Voyez son Traité de l’Usage de l’Histoire. M. Teissier en a pris (en le citant), tout ce qui concerne Amyot, et l’a mis dans ses Additions aux Éloges tirés de M. de Thou, tom. II, pag. 152.