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AMYRAUT.

devant les pères du concile : il en donne le précis, et il cite la Harangue d’Amyot. Mais cette harangue est une chimère : Amyot ne fit que lire la protestation du roi. Quelle hardiesse n’est-ce pas de citer des manuscrits qui n’existèrent jamais ? M. Varillas assure qu’Amyot, âgé de dix ans, fut trouve malade, sur le chemin de Paris, au bord d’un fossé, et qu’un gentil’homme passant... le mit sur son cheval, et le conduisit, en le soutenant, dans une maison proche, où il guérit, et reçut charitablement pour passer chemin seize sous, qu’il rendit depuis avec usure en laissant aux héritiers de son bienfaiteur seize cents écus de rente[1]. La Vie d’Amyot porte qu’il légua douze cents écus à l’hôpital d’Orléans[2]. C’était là qu’il avait été mené par le gentilhomme : c’était là qu’il avait été guéri, et qu’il reçut seize sous ; ce fut à cet hôpital qu’il fit depuis un legs de douze cents écus, selon le narré de M. de Saint-Réal.[3]. D’où vient que M. Varillas altère ces circonstances, et amplifie la gratitude ? Pourquoi par ses hyperboles convertit-il un simple legs de trois mille six cents francs en une rente annuelle de six mille deux cents livres[4] ? Il assure qu’Amyot, « en étudiant, changea de religion, et servit d’instrument pour séduire ses compagnons, jusqu’à ce qu’étant découvert il se réfugia à Bourges, où le même Volmar, qui avait instruit Calvin et Bèze, l’introduisit chez l’abbé de Saint-Ambroise, en qualité de précepteur de ses neveux, et le choisit depuis pour son successeur à montrer le grec. Amyot s’ennuia bientôt d’enseigner publiquement. » On ne peut accorder rien de tout cela avec les Mémoires de la Vie d’Amyot publiés par Sébastien Roulliard. On y trouve qu’il avait environ vingt-trois ans lorsqu’il s’en alla à Bourges, avec l’abbé de Saint-Ambroise, qui lui avait persuadé ce voyage[5]. Il y alla donc l’an 1537[* 1]. Or Volmar sortit de Bourges l’an 1535 [6] ; et par conséquent, ce ne fut point lui qui le fit connaître à cet abbé. On trouve dans les mêmes Mémoires, qu’Amyot remplit la charge de professeur l’espace de dix ans, et que souventes fois on lui ha ouï dire entre ses amis, qu’il avoit un honneste appoinctement ; que jamais en sa vie n’eut meilleur temps que celui-là, et avoit pris un fort grand plaisir à faire cet exercice, à cause qu’il jouissoit d’un extrême repos[7]. Il ne s’ennuya donc pas bientôt d’enseigner publiquement. M. Varillas observe que Bouchetel et Morvillier lui représentèrent l’obstacle que son hérésie apportoit à son salut et à sa fortune, et qu’il profita de leur advis. Bouchetel le connaissait donc pour calviniste ; mais en ce cas-là, aurait-il voulu le faire précepteur de ses enfans, comme il avait fait[8] ?

  1. * Leclerc, dans une note sur le texte, a déjà remarqué que ce fut en 1535 qu’Amyot alla à Bourges.
  1. Varillas, Hist. de Henri II, liv. II, p. 203.
  2. Voyez la remarque (A).
  3. Saint-Réal, de l’Usage de l’Histoire, p. 75.
  4. Varillas, Hist. de Henri II, liv. II, p. 204.
  5. Roulliard, Antiquités de Melun, p. 607.
  6. Melch. Adam in Vitis Philosophor., p. 233.
  7. Roulliard, Antiquités de Melun, p. 607.
  8. Là même.

AMYRAUT (Moïse) ministre et professeur en théologie à Saumur, a été un des plus illustres théologiens[* 1] qu’on ait vus en France dans le XVIIe. siècle. Il était d’une bonne et ancienne famille, originaire d’Orléans (A), et il naquit à Bourgueil, petite ville de Touraine, au mois de septembre 1596. Ayant fait son cours de philosophie, il fut envoyé à Poitiers, pour y étudier en droit : il s’appliqua à cette science, avec tant d’assiduité, qu’il y employait 14 heures chaque jour. Il prit ses licences au bout d’un an[a] ; mais il en demeura là. M. Bouchereau, son compatriote, et ministre de Saumur, lui conseilla d’étudier en théologie : la lecture de l’Insti-

  1. * Leclerc trouve cet article trop flatteur ; il reproche à Bayle la source où il a puisé, et dont, dit-il, il devait se défier. Voyez la note (p) sur le texte.
  1. En 1616.