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AMPHITRYON.

pens sur leur lit. Hercule n’en eut point de peur, l’autre prit la fuite ; il n’en fallut pas davantage pour connaître qu’Hercule n’était point fils d’Amphitryon. On prétend qu’Alcmène mit sur sa tête un ornement qui faisait connaître au monde que Jupiter avait triplé la durée de la nuit pour la caresser plus long-temps (F). Il n’est pas vrai qu’Amphitryon ait appris aux hommes à mettre de l’eau dans le vin (G). Alcmène survécut à son mari [a]. Les débris de leur maison se voyaient encore à Thèbes du temps de Pausanias[b]. Il faut se souvenir qu’Amphitryon était né à Argos[c]. Il y a des auteurs qui l’appellent roi de Thèbes[d].

  1. Pausan., lib. I, pag. 39.
  2. Idem, lib. IX, pag. 290.
  3. Plauti Amph. Prol.
  4. Servius, in Æneid., lib. VIII, vs. 103.

(A) Fils d’Alcée. ] Apollodore dit qu’Hipponome, fille de Menœcée, était la mère d’Amphitryon[1]. D’autres le font fils de Lysidice, fille de Pélops : d’autres lui donnent pour mère Laonome, fille de Guneus[2]. Notez qu’il était oncle de sa femme ; car Anaxo, sa sœur, était la mère d’Alcmène[3].

(B) Il est moins connu par ses exploits, que par l’aventure de sa femme, qui a servi de sujet aux poëtes comiques. ] Une des plus belles comédies de Plaute est l’Amphitryon. C’est le jugement qu’en fait mademoiselle le Fèvre[* 1], qui l’a traduite en français, avec d’excellentes notes. Voyez les dernières remarques de l’article Téléboes. Molière a fait une comédie du même titre. C’est une de ses meilleures pièces. Il a pris beaucoup de choses de Plaute ; mais il leur donne un autre tour : et s’il n’y avait qu’à comparer ces deux pièces l’une avec l’autre, pour décider la dispute qui s’est élevée depuis quelque temps sur la supériorité ou l’infériorité des anciens, je crois que M. Perrault gagnerait bientôt sa cause. Il y a des finesses et des tours dans l’Amphitryon de Molière, qui surpassent de beaucoup les railleries de l’Amphitryon latin. Combien de choses n’a-t-il pas fallu retrancher de la comédie de Plaute, qui n’eussent point réussi sur le théâtre français ! Combien d’ornemens et de traits d’une nouvelle invention n’a-t-il pas fallu que Molière ait insérés dans son ouvrage, pour le mettre en état d’être applaudi comme il l’a été ! Par la seule comparaison des Prologues, on peut connaître que l’avantage est du côté de l’auteur moderne. Lucien a fourni le fait sur quoi le Prologue de Molière roule ; mais il n’en a point fourni les pensées. Jamais un bon connaisseur ne dira ici :

Qui benè vertendo, et eas describendo malè, ex
Græcis bonis latinas fecit non bonas[4].


Qu’on ne prenne pas ceci de travers, j’en supplie tout le monde ; je tombe d’accord, non-seulement que l’Amphitryon de Plaute est une de ses meilleures pièces ; mais aussi que c’est une pièce très-excellente à certains égards. Il semble qu’on la jouait encore du temps d’Arnobe. Ponit animos Jupiter si Amphitryo fuerit actus pronunciatusque Plautinus[5]. Je voudrais bien que nous eussions l’Amphitryon d’Euripide, et les deux Amphitryons d’Archippus.

(C) En remettant à Électryon ses troupeaux, il eut le malheur d’être la cause innocente de la mort de ce pauvre prince. ] Voici comment : Cùm bos una aufugeret, in ipsam Amphitryo tum quam manibus fortè clavam gestabat immisit, quæ de bovis cornibus repulsa in Electryonis caput resiliens ipsum vitâ privavit[6]. Dans le Supplément de Moréri, au lieu de massue, l’on a dit pierre.

(D) Il se prépara à faire ta guerre aux Téléboes. ] Nous disons ailleurs [7] quel peuple c’était, et nous marquons les différences qui se trouvent entre Apollodore, que nous avons suivi, et le scoliaste d’Apollonius.

  1. * Depuis madame Dacier, Joly a fait, à l’occasion de ce passage, une remarque qui ne porte pas sur Bayle, mais sur le Supplément au Moréri de 1735.
  1. Apollodor., lib. II, pag. 97.
  2. Pausan., lib. VIII, pag. 248.
  3. Idem, ibid.
  4. Terent. Prol. Eunuch., vs. 7.
  5. Arnob., lib. VII, pag. 238.
  6. Appolod., lib. II, pag. 99.
  7. Dans l’article Téléboes.