Page:Bayle - Pensées diverses sur la comète, édition 1749, tome 1.djvu/43

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descente de la Poésie à l’Histoire est presque insensible, quoique personne n’ait entrepris jusqu’ici de passer de l’une à l’autre, je m’étonne, dis-je, que ceux qui nous apprennent tant de belles choses, sans savoir [1] qu’Agathias a été successivement Poète et Historien et qu’il a cru par là ne faire autre chose que de traverser d’une patrie en une patrie, n’ayant pas appréhendé de fournir un beau prétexte aux Critiques, de reprocher aux Historiens qu’en effet ils ont une sympathie merveilleuse avec les Poètes et qu’ils aiment aussi bien qu’eux à rapporter des prodiges et des fictions. Heureux ces deux excellents Poètes, qui travaillent à l’Histoire de Louis le Grand, toute remplie de prodiges effectifs, car sans donner dans la fiction ils peuvent satisfaire l’envie dominante qui possède les Poètes et les Historiens de raconter des choses extraordinaires !

Avec tout cela, Monsieur, je ne suis pas d’avis que l’on chicane l’autorité des Historiens ; je consens que sans avoir égard à leur crédulité, on croie qu’il a paru des Comètes tout autant qu’ils en marquent et qu’il est arrivé, dans les années qui ont suivi l’apparition des Comètes, tout autant de malheurs qu’ils nous en rapportent. Je donne les mains à tout cela : mais aussi c’est tout ce que je vous accorde et tout ce que vous devez raisonnablement prétendre. Voyons maintenant à quoi aboutira tout ceci. Je vous défie avec toute votre subtilité d’en conclure que les Comètes ont été ou la cause ou le signe des malheurs qui ont suivi leur apparition. Ainsi les témoignages des Historiens se réduisent à prouver uniquement qu’il a paru des Comètes et qu’ensuite il y a bien eu des désordres dans le monde ; ce qui est bien éloigné de prouver que l’une de ces deux choses est la cause ou le pronostic de l’autre, à moins

  1. Agathias, in princ. Histor.