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mensifier », par les vertus de l’art, jusqu’à en faire des types symboliques d’humanité. Par là Verhaeren se rattachait à la tradition de Millet et de Rembrandt, opposée à celle de Wagner et des Italiens, suivie par tel autre poète contemporain, Henri de Régnier par exemple. Il faisait sienne cette tendance si moderne et si féconde inoubliablement illustrée par Emerson, suivant laquelle l’héroïque, le sublime et le divin sont à chercher dans la vie quotidienne, et non dans les exploits des paladins, dressés sur leur palefroi avec des gestes traditionnels. Il magnifiait l’homme moyen, allait tirer de leur chaumière les gens du commun, pour les introniser. C’était adopter là un art idoine à la démocratie, l’art type de l’âge moderne.

Dans les Villages Illusoires, ces petites gens des métiers ont passé à l’état synthétique et abstrait par une volonté de les exprimer sous leur aspect d’éternité. Ce volume est le seul à propos duquel il serait permis d’appliquer à Émile Verhaeren l’épithète de « symboliste », dans le sens où ce vocable vague et fallacieux — et un instant chéri pour cela — correspond à une réalité.

Je ne crois pas que jusque-là Verhaeren ait composé d’aussi magnifiques pages que celles du Meunier, du Sonneur ou du Forgeron. Ce forgeron splendide forgeant l’avenir sur son enclume en psalmodiant son rêve, — du même geste que Siegfried, dans la caverne du Niebelung, battant l’épée de victoire, — c’est de loin l’annonciateur du sens nouveau d’humanité qui va ruisseler bientôt