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l’élan gigantesque d’une humanité en proie au renouveau et bâtissant les assises d’un habitat plus vaste et plus aéré pour l’individu prochain. De ce labeur cyclopéen, c’est lui le chantre en notre langue : ses crises, ses assauts, ses effrois et ses espoirs ont pris voix en lui. Son art est parcouru des mêmes électricités qui, d’un bout à l’autre de la terre, fleurissent en « miracles nouveaux ». Il n’a pas menti à son âge. Et à l’humanité qui se lève il a proposé un art digne d’elle.

Je suggère à tous ceux-là qui reprochent au poète sa brutalité et ses bizarreries, de venir s’enivrer à la source vive qu’est cette œuvre : et s’il n’en sort pas pour eux une émotion comme en communiquent seuls les chefs-d’œuvre, ils ne devront s’en prendre qu’à la nature qui les fit sourds et aveugles à la beauté, celle de toujours et de toutes les races, et non cette beauté factice qui, en dehors de quelques siècles et d’une douzaine de provinces, n’est comprise par personne.

Ce fut à l’horizon de ces Villes que se levèrent, deux ans plus tard les Aubes, qui empruntaient la forme du drame lyrique pour proposer une sorte de conclusion au phénomène d’humanité que, jointes aux Campagnes, elles suggéraient. Et cette œuvre signifie clairement quelles préoccupations hantent désormais ce pur artiste, trop grand et trop vrai pour maladivement craindre qu’en sortant de sa maison afin de porter son art parmi les foules, le souffle de celles-ci n’en ternit le pur miroir.