Page:Bazan - Vol de papillons, 1887.djvu/2

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En été la pluie est douce ;
Elle carresse un moment
L’humide et tremblante pousse ;
Elle reverdit la mousse…
Attendez patiemment.

Attendez… Sous la feuillée
Les rayons vont revenir :
Votre aile serait mouillée,
Et ce n’est qu’ensoleillée
Qu’elle peut vous soutenir !

Le nuage se déchire,
Tout resplendit à la fois,
Et les amours de se dire,
En riant leur joli rire :
Reprenons notre carquois !

Et la troupe folle et blonde,
Sous le rayon éclatant,
Retourne de par le monde,
Faire à chacun à la ronde,
Le mal que nous aimons tant !



LE VASE


À Mathilde d’E***


L a-bas dans la pénombre, au coin de l’étagère,
Le vase avec ses fleurs, roses, lys, œillets blancs,
Herbe folle, jasmin, élégante fougère,
Semble peint par un dieu sur les rideaux tremblants.

Le ton rouge éclatant de l’étoffe alourdie,
Accentue à souhait les suaves pâleurs
Du merveilleux faisceau. — C’est une mélodie
Faite par le printemps qu’elles chantent, ces fleurs !

Et ce vase lui-même, aux formes contournées,
Rugueux comme du grès, dont les flancs travaillés
Ont roulé dans les flots pendant bien des années,
Par la vague mobile incessamment mouillés,

Ce vase chante aussi son poème ; il exhale
Une sombre tristesse !… Il a vu si souvent,
Comme un linceul glacé, passer sur un front pâle
L’eau verte dont l’écume haletait sous le vent !…

Il a vu tant de fois des formes incertaines,
Quand la lune montait livide à l’horizon,
Il a vu si souvent de joyeux capitaines,
Qui n’ont plus repassé le seuil de leur maison !…