Page:Bazin - La Barrière, Calmann-Lévy.djvu/224

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tristes, de ces yeux où la colère est à demeure, s’adoucissaient, un court moment, levés, et puis la porte rouillée se fermait. Derrière les deux jeunes hommes, le président des Pauvres était venu, silencieusement, s’accouder. Il murmura, et, bien que la voix fût à peine timbrée, on y sentait la tendresse :

— Celui qui est tout au bout du demi-cercle, le brun, chauve, qui a un peu de couleur, par hasard, sur les joues, celui-là est presque un riche… Il a couché sous les ponts. Il a vécu des déchets des restaurants… C’est une sorte d’aristocrate à présent ; il a un petit emploi dans la publicité : colleur de bandes, adressier, timbreur. Il peut vivre, ce qui est une exception ici. Mais il est bon, il se souvient. Depuis qu’il ne mendie plus, il n’a jamais manqué de venir, chaque samedi, parmi les compagnons de la rue…

Quelques-uns bâillaient, sans précaution. Un commençait à dormir. Il y avait des lueurs de pierres fauves, de diamant, et des pensées suppliantes au bord des paupières, çà et là. Le président des Pauvres reprit :

— Les deux qui sont côte à côte, vers le