Page:Bazin - La Barrière, Calmann-Lévy.djvu/79

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entièrement selon les mots qu’il disait, et toujours quelque trait du visage, soit le regard, soit les lèvres, soit les plis du front, abritait une pensée autre, une réserve, une contradiction, une indifférence, un mépris. Qui le voyait avait le sentiment d’une puissance grande et mal connue. Il avait dans le port de la tête, dans le modelé impérieux des arcades sourcilières et du front, dans le large nez, dans le désordre des cheveux en couronne, quelque chose du lion. Son large masque rasé était si dominateur, si exceptionnel d’intelligence et de force, qu’on oubliait de regarder le corps qui portait ce chef monumental. Et ce corps était de moyenne taille, un peu gros, épaissi par l’âge, sauf les mains fines, minces et blanches, si jolies encore qu’il les ornait l’une et l’autre d’une bague précieuse. Avec lui, sir George faisait le tour de l’hôte, dans le salon où ses invités étaient maintenant au complet. Il ne donnait pas l’impression de profondeur, mais d’une vigueur de corps entretenue jusqu’à la limite où elle devient surprenante, d’un esprit caustique, pratique, pour qui la politesse est un office, une charge héréditaire, le premier sport de noblesse, et qui