Page:Bazin - La Barrière, Calmann-Lévy.djvu/97

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dans le silence. Tout geste cessa. La petite face pâle de sir George était devenue livide. Au bout de son bras, la liqueur fauve commença de trembler, et deux gouttes tombèrent. Alors il abaissa le bras, posa le verre sur la nappe, et, sans baisser la tête, il ferma un moment les paupières. Tous, précautionneux ou hardiment, ils regardaient Réginald Breynolds, son visage jeune, que la volonté rendait impassible, et la main allongée sur la nappe et qui demeurait entr’ouverte, arrêtée dans son élan, les doigts prêts à se replier sur la tige de cristal. Le baronnet ne se détourna pas. Il se dressa debout, repoussa la chaise violemment, et dit :

— Rentrons !

Mais aussitôt, il se ressaisit. Il songea qu’il manquait aux convenances, passa la main sur son front, et essaya de sourire.

— Pardon, mes amis, dit-il, j’oubliais que vous n’avez pas fumé.

Il prit une allumette, et l’ayant frottée sur une plaque de grès, l’approcha de la cigarette que son plus proche voisin tenait entre les doigts. Il y eut un grand silence. Quelques bribes de tabac flambèrent. L’ami ne porta pas