Page:Bazin - La Terre qui meurt.djvu/21

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Le métayer demeurait ainsi, bien souvent, après le travail fini, en contemplation devant sa métairie. Cette fois, il resta debout plus longtemps que de coutume, au milieu des houles fuyantes des feuilles, devenues ternes, grisâtres, pareilles dans l’ombre à des guérets nouveaux. Les arbres eux-mêmes n’étaient plus que des fumées vagues autour des champs. Le grand carré de ciel, extrêmement pur, qui s’ouvrait au-dessus, tout plein de rayons brisés, ne laissait tomber sur les choses qu’un peu de poussière de jour, qui les montrait encore, mais ne les éclairait plus. Lumineau mit ses deux mains en porte-voix devant sa bouche et tourné vers la Fromentière, héla :

— Ohé ! Rousille ?

Le premier qui répondit à l’appel fut le chien, Bas-Rouge, accouru comme une trombe de l’extrémité de la pièce. Puis une voix nette, jeune, s’éleva au loin et traversa l’espace :

— Père, on y va !

Aussitôt, le paysan se courba, saisit une corde dont il entoura et serra un monceau de feuilles cueillies, et, chargeant le fardeau d’un coup d’épaule, chancelant sous la pesée de l’énorme botte qui dépassait de toutes parts son échine, ses bras