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Page:Bazin - La Terre qui meurt.djvu/23

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elle suivait le pied, un sifflement sortit, comme celui d’un vanneau. Elle n’eut pas peur. Un homme sautait dans le champ, par-dessus les ronces. Rousille, devant elle, dans la voyette [1], jeta sa charge. Il ne s’avança pas plus loin, et ils se mirent à se parler par phrases brèves.

— Oh ! Rousille ! comme vous en portez lourd !

— Je suis forte, allez ! Avez-vous vu le père ?

— Non, j’arrive. Est-ce qu’il a parlé contre moi ?

— Il n’a rien dit. Mais il m’a regardée d’une manière !… Croyez-moi, Jean, il se méfie. Vous ne devriez pas passer cette nuit dehors, car il n’aime guère la braconne, et il vous grondera.

— Qu’est-ce que ça peut lui faire, que je chasse la nuit, si je travaille le matin d’aussi bonne heure que les autres ? Est-ce que je rechigne à la besogne ? Rousille, ceux de la Seulière et aussi le meunier de Moque-Souris m’ont dit que les vanneaux commençaient à passer dans le Marais. J’en tuerai à la lune, qui sera claire cette nuit. Et vous en aurez demain matin.

— Jean, fit-elle, vous ne devriez pas… je vous assure.

L’homme portait un fusil en bandoulière. Par-dessus sa veste brune, il avait une blouse très courte, qui descendait à peine à la ceinture. Il était

  1. Petite voie, sentier de peu de largeur.