Page:Bazin - La Terre qui meurt.djvu/42

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— Il était tout justement comme tu dis, reprit le bonhomme avec un sourire attendri. Il buvait bien. On ne pouvait pas trouver de nobles moins fiers que les nôtres. Ils racontaient des histoires qui faisaient rire. Et puis riches, mes enfants ! Ça ne les gênait pas d’attendre leurs rentes, quand la récolte avait été mauvaise. Même, ils m’ont prêté, plus d’une fois, pour acheter des bœufs ou de la semence. C’étaient des gens vifs, par exemple ! mais avec qui on s’entendait ; tandis que leurs hommes d’affaires…

Il fit un geste violent de la main, comme s’il jetait quelqu’un à terre.

— Oui, dit l’aîné, du triste monde.

— Et mademoiselle Ambroisine ? Elle venait jouer avec toi, Éléonore, et surtout avec Rousille, car elle était, pour l’âge, entre Éléonore et Rousille. M’est avis qu’elle doit avoir vingt-cinq ans aujourd’hui… Avait-elle bon air, mon Dieu, avec ses dentelles, ses cheveux tournés comme ceux d’un saint d’église, son salut qu’elle faisait en riant, à tout le monde, quand elle passait dans Sallertaine ! Quel malheur qu’ils aient quitté le pays ! Il y en a qui ne les regrettent pas : mais, moi, je ne suis pas de ceux-là.

L’infirme secoua sa crinière fauve, et dit, de sa