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LA FORTUNE PERDUE


Qui me rendra mes grooms aux splendides livrées ?
Et mes laquais, couverts de pelisses fourrées,
Mes cochers, galonnés comme des généraux ?
Mes marmitons, sortis des fameuses cuisines,
Dont les bisques et les salmis de bécassines
Relevaient le courage abattu des héros ?

Tous ces vaillants, à l’œil de flamme, à l’âme forte,
Qui, chacun à son tour, avaient franchi ma porte,
Quoi ? je ne verrai plus en persillant au Bois
Leurs troupes, par le temps, hélas ! diminuées,
Derrière mon landau s’ébattre par nuées,
À l’épatement des bourgeois !

Les voilà tous partis, leurs cœurs brûlent pour d’autres.
Tous, pendant quarante ans, firent les bons apôtres,
Achetant par de l’or le droit de m’approcher !
Tous partis ! Les bijoux ont pris la même route,
Ma beauté, mes appas ! Hélas ! quelle déroute !
Vénus ! je n’ai plus même un lit où me coucher !

Vénus ! qui me rendra ma grande renommée ?
Ma chevelure d’or est blanche et clairsemée ;