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Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/14

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disaient à « Molson ». Et Dieu sait, s’ils le patronnaient, ce célèbre distillateur à la réputation éminemment franco-canadienne.

On reprenait alors, le gousset vide et le cœur léger, la route des chantiers. On y arrivait entre la mi-octobre et le premier novembre. Le premier soin était de choisir au milieu d’une forêt d’arbres deux ou trois fois centenaires, un lieu propice à bâtir une rude cabane en « plançons », laquelle était généralement connue sous le nom de chantier.

Le « cook », — cuisinier — y installait ses marmites.

Chacun voyait à s’y établir aussi confortablement que possible, et le jour suivant, on entendait résonner la hache qui abattait sans pitié les souverains de ces forêts immenses.

Après des journées d’un travail presque surhumain et inconnu aujourd’hui, on s’assemblait au coin de l’âtre et chacun y racontait ses aventures plus ou moins… véridiques.

La bouteille faisait sa ronde habituelle et une « complainte » finissait ordinairement la soirée.

On dormait sans soucis, et quelquefois en rêvant à la maison paternelle des bords du Saint-Laurent, et à celle qui attendait avec impatience le retour du voyageur.

Le chantier était parfois troublé, durant la nuit,