Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/159

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commune au Canada : l’apoplexie foudroyante, produite par la vieillesse et les émotions violentes. Le docteur qui était un ami de la famille regarda la figure paisible du mort, et jetant un regard de pitié sur la pauvre Jeanne qui attendait un mot d’espoir, de consolation :

— Mon enfant ! je ne puis rien faire pour celui qui fut votre père. Priez Dieu pour son âme, car vous êtes maintenant orpheline.

Jeanne ne parut pas comprendre d’abord toute la portée de ces terribles paroles, car elle répéta d’une voix suppliante :

— Docteur, cher docteur ! Vous allez sauver mon père, n’est-ce pas ? Que ferai-je sur terre, seule, sans parents, sans amis, sans consolation ?

Le médecin qui était un brave homme sentit son cœur se serrer à la vue d’une si navrante infortune. Prenant tendrement la jeune fille par la main il la releva et lui dit d’une voix rendue tremblante par l’émotion :

— Mademoiselle, il est trop tard. Votre père n’est plus. Prions ensemble pour le repos de son âme patriotique.

Et s’agenouillant près du lit où reposait son vieil ami, le docteur commença à réciter d’une voix solennelle la prière des morts.