Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/177

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s’était laissé tomber, et lorsque le docteur se fut éloigné, elle se prit à réfléchir sur les moyens qui se trouvaient à sa disposition pour surmonter les obstacles qui se dressaient sur sa route. Sans expérience du monde, ayant toujours vécu de la vie de famille et suivi avec amour les enseignements de son vieux père, Jeanne sentait qu’elle allait entrer dans une sphère nouvelle et ce n’était qu’en tremblant qu’elle mettait le pied sur le seuil de l’existence inconnue qui se présentait devant elle. Son ambition se résumait dans l’espérance de pouvoir attendre le printemps et l’arrivée de Jules et de Pierre. Elle savait, qu’alors, tout irait bien.

Le travail de la campagne, au Canada comme ailleurs, est toujours relativement difficile à obtenir, et plus particulièrement pour une jeune fille qui ne connaît pas le service et les travaux de la ferme, pendant l’hiver. Jeanne, cependant, n’entrevoyait pas d’autre alternative et elle en avait bravement pris son parti. Elle irait s’offrir chez les fermiers « à l’aise » où l’on emploie des domestiques et peut-être, après tout, rencontrerait-elle de braves gens qui compatiraient à ses malheurs et qui comprendraient les difficultés de sa position. Elle résolut donc de mettre, sans plus tarder, son projet à exécution, malgré sa faiblesse physique et la répugnance qu’elle ressentait à se présenter