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Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/180

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que l’on recevait des centres industriels de la Nouvelle-Angleterre, mais Jeanne n’avait jamais cru qu’il lui fût possible de quitter le village où elle avait toujours vécu et où reposaient les cendres de son père et sa mère.

La pauvre enfant avait presque fini sa tournée décourageante, lorsqu’elle frappa à la porte d’une maison de belle apparence située à mi-chemin entre les villages de Verchères et de Contrecœur. Après avoir reçu l’invitation d’entrer, la jeune fille fut frappée du désordre qui paraissait régner partout où elle portait les yeux, et quand elle eut fait ses offres de service au maître de céans, on lui apprit le départ de toute la famille pour les États de la Nouvelle-Angleterre. Le fermier qui paraissait être un brave homme parut s’étonner en apprenant l’objet de la visite de Jeanne :

— Mon Dieu, mademoiselle, lui dit-il avec bonté, il faut que vous soyez bien peu au courant de l’état des affaires dans la paroisse pour chercher ainsi du travail à une époque aussi avancée de la saison. Les propriétaires eux-mêmes peuvent à peine suffire à leurs dépenses courantes en travaillant comme des mercenaires, et il n’y a que bien peu de fermiers, à Contrecœur, qui puissent se payer les services d’un engagé. Je me vois forcé moi-même d’abandonner ma ferme pour tâcher