Page:Beaugrand - Jeanne la fileuse, 1878.djvu/182

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du travail sur une ferme ? Je crains que votre espoir ne soit déçu. N’avez-vous pas quelques amis qui pourraient s’intéresser à vous ?

— Non madame, je suis seule, toute seule. Je suis pauvre et il me faut de toute nécessité trouver du travail avant longtemps.

— Eh bien, alors, pourquoi ne pas faire comme nous et aller chercher à l’étranger le travail que vous ne pouvez pas trouver au pays ?

— C’est que, madame, je n’ai pas l’expérience nécessaire et que je n’oserais jamais partir seule pour faire un aussi long voyage.

— Je comprends, en effet, poursuivit la fermière, qu’il vous est difficile de vous risquer, sans appui, à aller chercher du travail dans un pays inconnu. Mais pourquoi ne partiriez-vous pas avec une famille de votre connaissance ? Il en part chaque jour de Contrecœur pour les États-Unis.

— Malheureusement, madame, répondit Jeanne, je n’en connais aucune, et il m’en coûterait bien aussi de quitter le village où j’ai toujours vécu.

— Je comprends, mon enfant, tout ce qu’il y a de cruel à laisser le pays natal pour aller braver l’exil dans une contrée inconnue, mais il n’y a pas à lutter contre la nécessité et la misère. Un grand nombre de nos amis nous ont précédés là-bas et