Page:Beaugrand - La chasse-galerie, 1900.djvu/125

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Le monde est si drôlement et si capricieusement égoïste.

Chaque soir, à la brunante des longs jours d’été, le vieillard allait mouiller son canot à deux ou trois encâblures de la rive, dans un endroit où il tendait son varveau ou ses lignes dormantes. Assis au milieu de son embarcation il restait là dans la plus parfaite immobilité jusqu’à une heure avancée de la nuit. Sa silhouette se découpait d’abord nette et précise sur le miroir du fleuve endormi, mais prenait bientôt des lignes indécises d’un tableau de Millet, dans l’obscurité, alors que l’on n’entendait plus que le murmure des petites vagues paresseuses qui venaient caresser le sable argenté de la grève.

La frayeur involontaire qu’inspirait le père Louison n’existait pas seulement chez les enfants, mais plus d’une fillette superstitieuse, en causant avec son amoureux, sous les grands peupliers qui bordent la côte, avait serré convulsivement le bras de son cavalier en voyant au large s’estomper le canot du vieux pê-