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LA CHASSE-GALERIE

comme des carcajous, et le diable nous emportait au fin fond des enfers.


Acabris ! Acabras ! Acabram !
Fais-nous voyager par dessus les montagnes !


cria de nouveau Baptiste. Et nous voilà repartis pour la Petite-Misère, en naviguant en l’air comme des renégats que nous étions tous. En deux tours d’aviron, nous avions traversé le fleuve et nous étions rendus chez Batissette Augé dont la maison était tout illuminée. On entendait vaguement, au dehors, les sons du violon et les éclats de rire des danseurs dont on voyait les ombres se trémousser, à travers les vitres couvertes de givre. Nous cachâmes notre canot derrière les tas de bourdillons qui bordaient la rive, car la glace avait refoulé, cette année-là.

— Maintenant, nous répéta Baptiste, pas de bêtises, les amis, et attention à vos paroles. Dansons comme des perdus, mais pas un seul verre de Molson, ni de jamaïque, vous m’entendez ! Et au premier signe, suivez-moi tous, car il faudra repartir sans attirer l’attention.

Et nous allâmes frapper à la porte.