Page:Beaumarchais - Œuvres choisies, édition 1913, tome 2.djvu/165

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 vif et bouillant que
je lui ai donné, je serai coupable à mon tour, si je le montre sur la
scène ; mais à treize ans qu’inspire-t-il ? quelque chose de sensible et
doux, qui n’est ni amitié ni amour, et qui tient un peu de tous deux.

J’aurais de la peine à faire croire à l’innocence de ces impressions, si
nous vivions dans un siècle moins chaste, dans un de ces siècles de
calcul où, voulant tout prématuré, comme les fruits de leurs serres
chaudes, les grands mariaient leurs enfans à douze ans, et fesaient
plier la nature, la décence et le goût aux plus sordides convenances, en
se hâtant surtout d’arracher de ces êtres non formés des enfans encore
moins formables, dont le bonheur n’occupait personne, et qui n’étaient
que le prétexte d’un certain trafic d’avantages qui n’avait nul rapport
à eux, mais uniquement à leur nom. Heureusement nous en sommes bien
loin : et le caractère de mon Page, sans conséquence pour lui-même, en a
une relative au Comte que le moraliste aperçoit, mais qui n’a pas encore
frappé le grand commun de nos jugeurs.

Ainsi, dans cet ouvrage chaque rôle important a quelque but moral. Le
seul qui semble y déroger est le rôle de Marceline.

Coupable d’un ancien égarement dont son Figaro fut le fruit, elle
devrait, dit-on, se voir au moins punie par la confusion de sa faute
lorsqu’elle reconnaît son fils. L’auteur eût pu même en tirer une
moralité plus profonde : dans les mœurs qu’il veut corriger, la faute
d’une jeune fille séduite est celle des hommes et non la sienne.
Pourquoi donc ne l’a-t-il pas fait ?

Il l’a fait, censeurs raisonnables ! étudiez la scène suivante qui fesait
le nerf du troisième acte, et que les comédiens m’ont prié de
retrancher, craignant