Page:Beaumarchais - Œuvres choisies, édition 1913, tome 2.djvu/332

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FIGARO, aux Valets.

Pour vous autres, coquins, à qui j’ai donné l’ordre, illuminez-moi ces
entours ; ou, par la mort que je voudrais tenir aux dents, si j’en saisis
un par le bras…

(Il secoue le bras de Gripe-Soleil.)

GRIPE-SOLEIL s’en va en criant et pleurant.

Ah, ah, oh, oh ! damné brutal !

BAZILE, en s’en allant.

Le ciel vous tienne en joie, monsieur du marié !

(Ils sortent.)


Scène xx

III.

FIGARO seul, se promenant dans l’obscurité, dit du ton le plus sombre.

O femme ! femme ! femme ! créature faible et décevante !… nul animal créé
ne peut manquer à son instinct ; le tien est-il donc de tromper ?… Après
m’avoir obstinément refusé, quand je l’en pressais devant sa maîtresse ;
à l’instant qu’elle me donne sa parole ; au milieu de la même
cérémonie…. Il riait en lisant, le perfide ! et moi, comme un benêt !…
non, monsieur le Comte, vous ne l’aurez pas…. vous ne l’aurez pas.
Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand
génie !… noblesse, fortune, un rang, des places ; tout cela rend si
fier ! qu’avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la
peine de naître, et rien de plus ; du reste homme assez ordinaire ! tandis
que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer
plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis
depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez
joûter…. On vient…. c’est elle…. ce n’est personne.--La nuit est
noire en diable, et me voilà fesant le sot métier