Page:Beaumarchais - Œuvres choisies Didot 1913 tome 1.djvu/234

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noissez de mérite à votre fille, plus elle est propre à le ramener.

LE BARON.

Je vous remercie pour elle, ma sœur, Ainsi donc le bonheur que vous lui avez ménagé est d'être attachée au sort d'un homme sans mœurs ; de partager les affections bannales de son mari avec vingt femmes méprisables. La voilà destinée, en attendant une réformation incertaine, à répandre des larmes dont il aura peut-être la bassesse de se faire un triomphe à ses yeux; la fille la plus modeste est devenue l'esclave d'un libertin dont le cœur corrompu regarde comme un ridicule la tendresse et la fidélité qu'il exige de sa femme. Je te croyois plus délicate, Eugénie.

EUGENIE, du ton du ressentiment que le respect réprime.

En vérité, Monsieur, je me flatte que jamais le modèle d'un portrait aussi vil n'auroit été dangereux pour moi.

MADAME MURER, avec impatience.

Mais c'est que le Comte n'est point du tout l'homme que vous dépeignez. Peut-être a-t-il dans le feu de la première jeunesse un peu trop négligé de faire parler avantageusement de ses mœurs ; mais…

LE BARON.

Et quel garant a pu vous donner pour l'avenir celui qui jusqu'à présent a méprisé la censure publique sur le point le plus important.

MADAME MURER.

Quel garant l' tout ce qui inspire la confiance, cimente l'estime et augmente la bonne opinion ; la franchise de son caractere, qui le rend supérieur au déguisement , même dans ce qui lui est contraire ; la noblesse de ses procédés avec ses inférieurs ; sa générosité pour ses domestiques, et la bonté de son cœur, qui le porte à soulager tous les malheureux.