Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/412

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contre un conseiller de la cour ; l’on m’a vu souvent revenir jusqu’à quatre fois à la charge sans rien obtenir : et cela est au point que ma requête d’atténuation a été envoyée à tous Messieurs sans qu'elle fût signée ; ce dont je leur ai demandé pardon, dans une note à la fin de mon dernier mémoire. Cette difficulté de trouver des défenseurs, sur laquelle il serait à désirer que la cour prît un parti certain (car enfin je ne suis pas ce qu’on appelle ,n Angleterre ex-lea . hors la loi ; cette difficulté, je l’ai éprouvée de même sur mes écrits : de sorte qu’à défaut de conseils, de consultants, et surtout d’une bonne plume pour me défendre, je me suis trouvé forcé d’en employer une mauvaise, qui est la mienne.

— « Monsieur de Beaumarchais, êtes-vous l’auteur d’un écrit intitulé : Addition au Supplément du Mémoire << consulter, etc. ? »

— Monsieur, ;-i c’est un nouveau crime, vous voyez le coupable : il n’y a pas trente heures que j’y travaillais encore.

Le magistrat cessa de parler, et M. le premier président m’ordonna de me retirer ; je demandai la permission de faire une observation à la cour.

— i, Unis êtes ici pour répondre, et non pour observer, me dit M. le premier président.

— Monseigneur, je crois avoir rempli le vœu de l,i cour à cet égard, puisqu’elle cesse de m’interroger ; mais, cet interrogatoire lui-même étant destiné ,, éclaircir quelques faits du procès sur lesquels la cour riait incertaine, ne puis-je eu profiter pour porter la lumière sur un fait des plus graves .’ C’est en quoi consiste l’observation que je demande la libelle de l’aire a la cour.

— « Je vous ai déjà dit qu’un accusé n’avait pas le droit d’observer. « 

— Aussi, monseigneur, n’est-ce pas comme accusé que je désire observer, mais en qualité d’accusateur ; et j’ose assurer la cour que mon observation est d’une telle importance, que, si l’on passait au jugement définitif de l’affaire avant de m’avoir entendu, l’arrêt ne serait peut-être pas injuste au fond, mais au moins serait-il irrégulier dans la forme.

La cour eut la bonté de me permettre de parler. Mon observation avait pour objet l’histoire d’un diiuT pendant lequel, ,-eloli le sieur lierhand. quatre conseillers avaient trahi devant lui le secret du parlement, en s’expliquant sur le parti violent que la cour entendait prendre contre le Jay, ledit Bertrand et moi, qui avions, ajoutait-on, voulu flétrir la vertu du plus intègre magistrat, M. Goëzman. J’essayai d'établir qu’il importait à l'honneur de la magistrature, autant qu’à ma propre sûreté, q UC ce rail fut éclairci, chaque magistrat peinant craindre, à 1 Iroit, qu’on ne le soupçonnai d’être h m des quatre ennemis qui s’étaient expliqués aussi indiscrètement sur mon compte, et dont les voix pouvaient faire pencher contre moi la balance d’un jugement formidable, « Et cet indigne soupçon, messieurs, qui doit blesser tous les membres de cette auguste assemblée, ne peut cesser que par une addition d’information, dans laquelle le sieur Bertrand, interrogé de nouveau, sera forcé de s’expliquer : car, si tout ce procès m’a été intenté sur le seul soupçon qu’un magistrat était compromis par des bruits vagues et publics, avec combien plus de raison la cour doit-elle ordonner d’informer sur une grave imputation faite devant dix témoins, contre quatre de ses membres qu eu refuse de nommer ! Dans le cas où cette imputation serait calomnieuse de la pari de ci- Bertrand, ce qui me’ parait à moi très-probable, il est i ssi util I que la cour apprenne par l’instigation de quel fourbe adroit un fourbe maladroit est venu calomnier devant moi quatre magistrats, uniquement pour lâcher de m’ell’rayer, et me porter à quelques fausses démarches. »

Mon plaidoyer s’étendit à d’autres branches de l’affaire, et je conclus, tant sur le faitdel’audiencf que M. Goëzman prétend m’avoirdonnée le samedi malin :t avril, que sur celui du dîner des quatre conseillers, à ce qu’il plût à la cour me permettre de lui présenter requête tendante a obtenir une addition d’information.

M. le premier présidentme demanda - pourquoi - je n’avais pas parle de ces objets dans ma requête " d’atténuation ? »

— l’aria raison, monseigneur, que dan- cette requête j’agissais comme accusé, dont je dépouille en ce moment le caractère, pour revêtir a la bai ride la cour celui d’accusateur.

M. le premier président me dit abus, avec la plus grande bonté, que la cour verrait e cas qu’elle devait faire de mes observations, et qu’elle me per Hait de lui présenter requête a ce sujet. Je témoignai ma reconnaissance, et je me relirai, soutenu par le digne M" Fremyn, l’un de- greffiers criminels, car ma jambe me faisait un mal excessif.

Bien persuadé que la cour ne vendrait le lendemain qu’un arrêt interlocutoire, qui mettrait M. Goëzman en cause, j’abandonnai le précis que j’avais l’ait au greffe, pour m’occuper toute la nuit de ma nouvelle requête ; et j’attendis le jour avec autant de sécurité que d’impatience. Continuons mon récit : il n’y a rien de petit dan- cette affaire.

lies le malin je lus au parquet solliciter M. le procureur général de me nommer un avocal titulaire. Tant d’invportunités me paraissent fatiguer excessivemenl ce magistrat : mais je lui demande pardon si je ne me lasse point d’invoquer sa louable exactitude eu uneaffaire on tout le monde parle beaucoup de prudence, et semble n’avancer que malgré soi. Enfin, je le suppliai si instamment d’enjoindre à un titulaire de signer i ette nouvelle requête, que je réussis à la faire