Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/489

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dessous de mon écriture, du même sens, aux trois quarts de la page vers le bas ; et ce billet ne contient que ces mots :

« Je n’ai pas vu le petit ; demain je vous arrangerai. »

Certes, messieurs, s’il a choisi cette place exprès pour m’écrire quatre mots bien respectueusement aux trois quarts de la page, et qu’il ait laissé au-dessus tout le reste en papier blanc, afin que je pusse en abuser au bout de dix ans contre son légataire, il était aussi ridicule ce jour-là qu’il fut stupide le jour qu’il mit, dit-on, sa signature et la date fixe du 1er avril 1770 au bas du second verso d’une grande feuille de papier à la Tellière ; ce qui m’eût laissé quatre pages de grand blanc où j’aurais pu placer, non une créance détaillée de quinze mille livres, mais bien une en trois cents articles de quinze cent mille livres, et qui eût absorbé l’héritage !

Et le comte de la Blache, qui vous a fait écrire et soussigner tant d’injurieuses absurdités, messieurs, avait pourtant vu toutes ces lettres longtemps avant le commencement du procès.

— Oh ! monsieur de Beaumarchais, voilà trop de fois aussi que vous répétez que le comte de la Blache avait vu toutes ces lettres avant le procès ! Il faut vous fermer la bouche au moins sur cet objet, en vous prouvant qu’il n’en connaissait rien lorsqu’il vous fit sommer de déclarer de quelle main était l’écriture de l’acte du 1er avril, puisqu’il nous a fait imprimer (page 16 de notre consultation) : « Naturellement il dut naître des inquiétudes, des soupçons ; mille idées durent se présenter à l’esprit (du comte de la Blache) : tout annonçait une œuvre mystérieuse, une entreprise aussi hardie que profondément méditée. Mais comment la pénétrer ? comment la démasquer ? Le comte de la Blache essaya de tirer quelques lumières du sieur de Beaumarchais lui-même : le 25 septembre 1771, il le fit sommer de déclarer, etc. »

— Et c’est le comte de la Blache qui vous fait imprimer de si belles choses ? — Le comte de la Blache lui-même. — Et c’était le 25 septembre 1771 qu’il avait tant d’inquiétude et de désir d’obtenir ses éclaircissements de moi ? — Le 25 septembre 1771.

— Bonnes gens que vous êtes, vous ne savez pas encore votre Falcoz par cœur ! Apprenez donc, avocats candides et naïfs, ou qui feignez de l’être, que dix mois avant l’époque du 25 septembre 1771, et six mois avant qu’il fût seulement question de procès entre le légataire et moi, ce seigneur avait vu chez Me Mommet, mon notaire, rue Montmartre, à Paris, l’acte du 1er avril, toutes les lettres qui s’y rapportent, et même beaucoup de celles qui ne s’y rapportent pas ; que, loin de désirer des éclaircissements que je le pressais de recevoir à l’amiable, ce bon seigneur les fuyait dès lors comme la peste ; et c’est ce que je vais vous prouver sans réplique…

Nous vous arrêtons, monsieur de Beaumarchais ! Prenez garde, et réfléchissez avant tout que vous taxez là un gentilhomme, un officier général, d’une chose infâme ! Avant d’aller plus avant, voyez comme il vous fait accuser par nous d’avoir fabriqué ces lettres dans le cours du procès, après coup, et pour répondre aux objections de Me Caillard, son avocat ! Voyez ce qu’il nous fait imprimer (page 53) : « On lui objectait que l’écrit du 1er avril ne prouvait point la remise des pièces. Il m’a fait cette lettre (après coup) pour prouver cette remise. »

Après de telles déclarations d’un homme d’honneur, dire et soutenir qu’il avait vu toutes ces lettres longtemps avant le procès !… Prenez garde, monsieur, prenez garde ! Voyez donc ce qu’il nous fait articuler (page 42) : « Pour se tirer du mauvais pas où il s’était engagé, il a formé le projet de faire passer ces petits écrits de M. Duverney comme des réponses à des lettres qu’il a forgées et écrites… à des lettres qu’il a imaginées après coup.

Rien de si positif que ces déclarations ! Prenez donc garde, monsieur, à ce que vous allez dire. Savez-vous bien qu’il y a de quoi perdre à jamais et déshonorer l’un de vous deux ? Et si vous aviez une fois écrit un pareil fait sans le prouver !… Tenez, lisez encore ce qu’il nous fait imprimer (page 53) : « ON lui objectait que, dans l’écrit du 1er avril, il était dit dans un endroit : Le contrat de rente viagère en brevet ; et en un autre endroit : La grosse du contrat ; c’est pour lever cette équivoque qu’il met dans sa lettre (subaud. après coup) : Le brevet ou le contrat en brevet. »

Après des faits si positivement articulés, à qui persuaderez-vous que M. le comte de la Blache, un homme de condition, un maréchal de camp, ayant vu ces lettres, fût assez vil…

— Halte-là, messieurs, à mon tour ! Laissons les qualifications, et voyez mes preuves. Elles sont tirées d’un petit commerce épistolaire aigre-doux, qui fournit quelques lettres entre le légataire et moi, peu après la mort du testateur. J’ai, Dieu merci, conservé la copie des miennes et les originaux des siennes.

Après plusieurs lettres et réponses, une lettre de moi, du 30 octobre 1770, portait cette invitation itérative au comte de la Blache :

« Je me suis pressé de renvoyer à mon notaire mes papiers qu’il m’avait rendus, comme inutiles chez lui, jusqu’à déposition pour minute, etc.

« J’ai donc l’honneur de vous proposer encore une fois de nous rassembler chez ce notaire. Je désire que vous puissiez engager une personne impartiale et instruite à vous y accompagner. Quelles que soient vos intentions, comme nul homme sensé ne plaide contre l’évidence et ses propres intérêts, j’espère que la communication