Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/497

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qu’on fait un si grand fracas des trois qui sont datées ?

Le comte de la Blache aurait-il donc trouvé dans ces unes sans date, qu’il tient ensevelies, quelque phrase contraire à son plan d’ignorance absolue sur nos liaisons particulières ? Pardon, messieurs, s’il m’a donné lieu de lui appliquer sévèrement ce qu’un mauvais plaisant d’auteur a dit trop légèrement des dames galantes ! encore un coup, pardon si j’insiste ! Mais j’ai toutes les peines du monde à penser que si le comte de la Blache ne montre point une chose, cette chose n’eût pas en effet quelque petit besoin de demeurer cachée !

Cependant, comme cela ne me fait rien, et que je ne voudrais pas qu’une pareille réticence arrêtât le jugement du procès : si ON a ces unes sans date à Aix, et si ON les joint aux pièces, à la bonne heure ! Si elles sont restées à Paris, dans l’oubli, avec certains premiers mémoires, nous nous en passerons. Tout ce qu’ON fera là-dessus sera bien fait ; j’aime à m’en rapporter quelquefois aux gens ; et pourvu qu’ON ne nous retarde pas, je suis content. Reste à guérir maintenant les soussignés de leurs inquiétudes pour moi sur ces trois lettres datées de 1769.

Au lieu de se perdre, comme ils ont fait, dans des conjectures vagues et fatigantes, sur des morceaux isolés, dont la chaîne était rompue pour eux, qui ne savaient rien de nos affaires, que ne s’adressaient-ils à moi ? Je les aurais tirés de peine avec plaisir. J’ai tant et si souvent offert des éclaircissements au comte de la Blache ! Ne les aurait-il donc refusés que pour se livrer plus à l’aise à ses noires interprétations, et se conserver, en feignant de ne rien savoir, l’affreux droit d’empoisonner tout ?

J’aurais montré, par exemple, aux soussignés cet envoi secret d’une lettre anonyme que je viens d’imprimer avec sa réponse, et je leur aurais dit :

Examinez, messieurs, que le 8 octobre 1769 je mandais à M. Duverney en particulier : « Dites encore qu’il faut que je vous voie souvent, parce que je vous dois de la reconnaissance ! Réellement ils croient que nous machinons quelque chose contre l’intérêt de votre succession ! Je ne veux plus vous voir avec ce mystère… Ou recevez-moi comme tous vos amis, ou trouvez bon que je laisse là mes devoirs… Je ne veux plus de ces devoirs si je ne m’en acquitte publiquement, etc., etc. »

À quoi le vieillard, frappé de voir dans la lettre anonyme que le secret de nos entrevues était découvert, m’avait répondu : « Les devoirs ne doivent pas être interrompus, mais les rendre moins exacts et moins souvent pour un temps. »

Deux jours après, messieurs, un homme qui l’avait vu depuis peu, me faisant verbalement des reproches de négligence de sa part, voyez que je le charge à mon tour d’une réponse vague à ces reproches de négligence, que je ne crois pas mériter. (Ce sont les termes de ma lettre ostensible du 11 octobre 1769.)

Si je réponds même à ces reproches, c’est que je ne puis dire à celui qui m’en presse : Monsieur, j’ai écrit il y a deux jours en secret à M. Duverney les raisons de ma répugnance à le voir.

Alors j’aurais fait aux soussignés toutes les questions redoublées qui suivent sur les trois lettres mêmes qu’ils ont citées.

S’il y avait quatre ou cinq ans, messieurs, comme le dit le seigneur ON, que nous n’eussions plus aucune liaison M. Duverney et moi, pourquoi donc en 1769, c’est-à-dire près de l’époque de notre règlement de compte, me faisait-il faire sans cesse ou des reproches de le négliger, ou des invitations de l’aller voir ?

Pourquoi, dans ma lettre ostensible du 11 octobre, lui écrivais-je : Il me fait des reproches de négligence de votre part, que je ne crois pas mériter ?

Pourquoi lui rappelais-je, dans cette lettre, que je l’avais vu en juillet plusieurs fois avec l’empressement d’un homme qui n’avait que peu de jours à rester à Paris ?

Pourquoi lui mandais-je encore que j’allais à Fontainebleau me mettre au courant de bien des choses dont je lui rendrais compte du 20 au 25 ?

Pourquoi, dans ma lettre ostensible du 24 juin précédent, pressé de repartir pour la Touraine, lui disais-je qu’il était nécessaire que je le visse avant mon départ ?

Pourquoi ma lettre ostensible du 8 février précédent prouve-t-elle qu’il m’avait fait prier verbalement plusieurs fois de passer chez lui ; mais que, m’y étant présenté aux heures où il avait du monde, j’avais trouvé sa porte fermée pour moi ?

Pourquoi prouve-t-elle encore que ce même jour, 8 février, étant parvenu sans doute à se rendre libre, il faisait courir après moi, pour m’inviter de l’aller voir le soir même, avec tant d’empressement, que sur ses ordres on m’avait en vain cherché toute la soirée où l’on avait cru me rencontrer ? (Ce sont les termes de ma lettre ostensible.)

Pourquoi lui mandais-je, à la fin de cette lettre, que s’il me faisait avertir une autre fois, deux jours seulement d’avance, il me serait bien doux de lui prouver que, corps et biens, personne n’était avec un dévouement plus respectueux, etc. ?

Pourquoi ces devoirs qu’il ne fallait pas interrompre, mais rendre moins exacts et moins fréquents pour un temps ? (Ce sont les termes de sa lettre du 8 octobre.)

Pourquoi tout cela, dis-je, s’il n’y avait rien de mystérieux, d’intime, aucune liaison secrète, aucune affaire entre deux hommes qui ne s’expliquaient jamais dans des lettres ostensibles, mais qui n’en couraient pas moins toujours l’un après l’autre en cette même année 1769, à l’instant de se