Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/536

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cruauté ! Puis, revenant ensuite à une justice faible et tardive, mais qui ne remédie jamais au mal affreux de vos premiers discours, Athéniens toujours entraînés, n’aurez-vous donc jamais que la crédulité du jour et le jugement du lendemain ?

Les lettres de Guillaume diront sans doute quelque chose de la prière de M. de Maurepas à Guillaume ! Feuilletons-les encore, malgré l’ennui qu’elles me causent. Ah ! j’ai trouvé, je crois, l’article.


À M. Baudet de Jossan (avec le timbre de la poste).
« Spa, le 5 août 1780.

« Tout ce que vous faites est au mieux, mon cher, pour me mettre en avant auprès du ministre et de la princesse… Il faudra voir ce que c’est que l’affaire majeure dont vous me parlez, et dont je n’ai pas pu lire le nom de la personne que vous nommez. » (Ne nous dégoûtons point des phrases : c’est là le style de Guil… Korn…) « J’en serai instruit là-dessus quand j’aurai le plaisir de vous voir… Je vois avec plaisir que d’Erv… doit dîner chez ma femme avec un comte de Francion. Vous me dites que le ministre me l’a adressé, mais je n’en ai aucune connaissance ; vous m’expliquerez cela sans doute. Enfin, toutes vos démarches à mon égard tendant à mettre le pied dans l’étrier, il y aurait bien du malheur et de la gaucherie si je ne réussissais à me mettre en selle, et il ne s’agira que d’aller. » (Charmant écrivain ! galant homme !) « Adieu, mon cher ; je vous embrasse, et suis, avec le plus inviolable attachement, tout à vous.

« Signé Kornman. »

Ainsi, comme on le voit, c’est toujours son ami de cœur qui fait des efforts obligeants pour le fourrer dans les affaires ! Je vois avec plaisir que d’Erv… doit dîner chez ma femme avec un comte de Francion… Je n’en ai aucune connaissance. (Il en estropie jusqu’au nom. il écrit Francion pour Brancion.) Et moi, Beaumarchais, je m’impatiente de ne pas voir comment M. le comte de Maurepas a prié Guil… Korn… Une autre lettre nous l’apprendra peut-être !


À M. Daudet de Jossan, etc.
« Bruxelles, le 12 août 1780.

« Quoique je ne sois pas curieux, il me tarde cependant de savoir quelle est cette affaire majeure dont vous me faites l’amitié de me parler, que vous avez sollicitée pour qu’elle me mette en relation avec le ministre. À vous dire le vrai, je ne sais que deviner : cela passe mon imagination. En attendant, pas moins de remerciments d’avance ; vous priant d’être persuadé que je ferai toujours ce qui dépendra de moi pour qu’on ne vous fasse point de reproches sur mon compte, etc. Adieu, mon cher ; portez-vous bien, conservez-moi votre amitié, et soyez assuré du plus parfait retour ; je suis tout à vous.

Signé G. Kornman. »

Et le P. S. explique comme Guil… Korn… est tout à lui.

À l’égard de ma femme, je ne veux que son bonheur, dans toute l’étendue du terme. J'espère ainsi qu’avec un peu de réflexion elle ne s’y opposera point.

(Enfin j’ai trouvé le fin mot.) L’affaire que vous avez sollicitée pour qu’elle me mette en relation avec le ministre. Voilà M. de Maurepas expliqué. Point de ministre qui prie Guillaume ; c’est son cher ami qui le pousse, et voyez sa reconnaissance au post-scriptum de la lettre ! À l’égard de ma femme, je ne veux que son bonheur, dans toute l’étendue du terme. J’espère ainsi qu’avec un peu de réflexion elle ne s’y opposera point. (C’est-à-dire, si elle fait encore quelques difficultés, prouvez-lui bien que je consens à tout.)

C’est ainsi qu’au moyen de ces rapprochements utiles, on voit la fausseté masquée sortir du fond d’un noir libelle, et la modeste vérité se montrer sans fard dans les lettres.

(Page 11 du libelle.) « Au mois de décembre 1780, M. le prince de Montbarrey quitta le ministère ; à cette époque, etc. ; » toute la tirade.

Ainsi le ministre est remercié, l’ami tendre a perdu ses places, et ces pertes ont tué son doux commerce avec l’ami Guillaume Kornman.

Le style du dernier va changer, témoin le libelle et les lettres signées de lui envoyées à tous nos ministres : mais ces lettres et ce libelle sont d’un faux Guillaume Kornman ; c’est moi qui tiens le véritable ; vous allez voir son véritable style, sitôt après la retraite du ministre.


À son ami Jossan.
« Mars 1781.

« Je n’ai sans doute pas l’honneur d’être assez connu de vous, monsieur, pour croire que je ne sache sacrifier mes hommages qu’aux gens en place. »

(Ici des détails oiseux.) « À l’égard de la place de Pierrecourt, toute mon activité s’est reposée sur d’Erv… Il a dit qu’il en parlerait… mais qu’il croyait la chose fort difficile…

« Au surplus, monsieur, si je suis moins chez moi que par le passé, ce ne sont pas mes affaires seules qui m’en éloignent ; j’aurais toujours été charmé de me délasser de mes occupations dans l’intérieur de mon ménage avec quelques amis ; je dis quelques, parce que cette classe ne saurait être nombreuse. » (Qu’a-t-il donc, notre ami Guill… Korn… ? On croirait qu’il cherche dispute ! Qu’est devenu le temps où je copiais dans toutes ses