Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/677

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

moins prouvé que je n’étais ni émigré ni peureux, que j’ai prévu tout ce qui m’attendait ; et que si un poignard m’atteint avant que le jugement de la Convention nationale soit porté, d’après mes défenses imprimées il puisse être certain que mes ennemis n’ont pu souffrir que je me justifiasse de mon vivant, à la honte absolue de mes accusateurs. Mais je voue à l’indignation publique mes suivants et mes héritit rs, si, ayant mes impurs en main, ils ne le font pas après moi.

i Ministre de la justice, je vous déclare aussi qu’il importe beaucoup à la nation que je me justifie : car mon voyage de Hollande est très-intéressant pour elle ; et si, en m’attendant, l’on vend mes biens sous prétexte d’émigration avant que je me justifie, je préviens l’Assemblée qu’elle aura la triste justice de les faire racheter sitôt qu’elle m’aura entendu, comme ceux d’un très-bon citoyen vendus sur des mensonges horribles. Je suis avec respect,

« Citoyen ministre de la justice de France, i Le plus confiant des citoyens en voir [uité. » Signé Beaumarchais. »

La seule lettre raisonnable que j’aie reçue des hommes en place de mon pays, dans cette abominable affaire, est la réponse de ce ministre. Elle m’a donne le courage d’écrire promptement mes défenses et de les envoyer. Puis, après avoir fait les plus grands sacrifices pour nf acquitter en Angleterre, j’accourais me mettre en prison, aux risques que l’on court dans les prisons de France, lorsque la Convention a daigné lever mon décret, en suspendre l’effet pendant soixante jours, pour me donner le temps de venir me défendre. Mais je n’en abuserai point : il ne me faut pas soixante heures. Actions de grâces soient rendues au ministre de la justice ! actions de grâces soient rendues à la Convention nationale, qui a senti qu’un citoyen ne doit jamais être jugé sans avoir été i ntendu !

Voici la lettredu citoyen Garât, bon ministre de la justice ; et je l’imprime exprès pour consoler les gens que l’injustice opprime, et fermer par un acte pur le cercle odieux des vexations que j’éprouve depuis dix mois, pour avoir servi mon pays contre le vœu de tous ceux qui le pillent : « Taris, ce 3 janvier 1793, l’an II de la république.

« J’ai reçu, citoyen, votre lettre du 28 décembre 1792, datée de la prison du Ban du Roi à Londres. le ne puis qu’applaudir à l’empressement que vous me témoignez de venir vous justifier devant la Com ention nationale ; et je pense qu’aussitôt que vous serez libre, et que votre santé vous le permettra, rien ne doit retarder une démarche si naturelle à un accusé sur de son innocence. L’exécution de ce projet, si digne d’une âme forle et qui n’arienàsc reprocher, ne doit pas même être relardée par des craintes que des ennemis de votre tranquillité, ou des esprits trop prompts à s’alarmer, peuvent seuls vous avoir suggérées. Xon, citoyen, quoi qu’eu disent les détracteurs de la révolution du 10 août, les événements désastreux qui l’ont suivie, et que pleurent tous les vrais amis de la liberté, ne se renouvelleront pas. « Vous demandez une sauvegarde à la fmn en lion nationale, pour pouvoir avec —unie lui présenter votre justification : j’ignore quelle sera sa réponse, et je ne dois pas la prévenir ; mais, lorsque l’accusation même portée contre vous vous remet entre les mains de la justice, elle vous place spécialement sous la sauvegarde des lois. Le décret qui me charge de leurexécution m’offre les moyens de vous rassurer contre toutes les terreurs qu’on s’est plu a vous inspirer. Marquez-nmi dans quel port vous comptez vous rendre, cl à peu pies l’époque de voire débarquement. Aussitôt je donnerai des ordres pour que la gendarmerie nationale vous fournisse une escorte suffisante pour calmer vos inquiétudes et assurer votre translation à Paris. Et même, sans avoir besoin de ces ordres, ■ous pouvez vous-même réclamer cette escorte de l’officier qui commande la gendarmerie dans le port où vous descendrez.

u Votre arrivée ici suffira pour empêcher que l’on ne puisse vous confondre avec les émigrés ; et les citoyens qui ont cru devoir vous mettre en état d’accusation entendront eux-mêmes avec plaisir votre justification, et seront flattés de voir qu’un homme employé par la république n’a pas mérité un instant de perdre sa confiance’. « Le ministre de lajustia. signé Garât. » Il me reste à fixer l’attention des bons citoyens, dont l’exaltation départi n’a pas égaré les lumière-, sur h décret d’accusation que l’on a lam é conti ■ moi : je vais l’examiner avec la même sévérité que j’ai mise à scruter mes œuvres et celles de mes accusateurs, puis résumer ce long mémoire, me reposer sur mes travaux ; enfin, attendre avec confiance le prononcé de la Convention.

DÉCRET D’ACCUSATION

Extrait du •procès-verbal di la Convention nationale du 28 novembre 1702, l’an I er de la république française.

La Convention nationale, après avoir entendu son comité de la guerre, considérant que le traité du 18 juillet dernier est le fruit dt la collusion et de la fraude ; que ce traité, en anéantissant celui du 3 avril précédent, a enlevé au gouvernement français toutes les sûretés qui pourraient répondre de . Ce qui suit a été t

; depuis i