Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/706

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Il est vrai que les comédiens ne parlèrent point alors à l’auteur de ce qui lui reviendrait s’ils reprenaient un jour sa pièce, et si le goût du public, échauffé de nouveau sur l’ouvrage, lui donnait un jour des recettes abondantes. De ce silence les comédiens ont conclu depuis que les fruits de la reprise des pièces étaient une hérédité prématurée, qu’on ne devait pas leur disputer du vivant même des auteurs.

En 1697, un nouveau règlement donné pour réformer quelques abus confirma l’ancien arrangement du neuvième. Ainsi la loi d’une convenance réciproque, sanctionnée par plusieurs règlements a maintenu les auteurs depuis li 53 jusqu’en 1737, c’est-à-dire pendant plus de cent ans, dai le droit modéré il-’/ ucher le neuvième ih la recette, les frais ordinaires etjournalii i s prélei es : < I de jouir di ce neuvième jusqu’à ce que la Comédie leur eût prouvé, par deux recettes consécutives au-dessous il* 1 trois cents /uns l’été et cinq cents liera l’hiver, qu’elle n’avait tiré que ses frais, et que le goût du public était usé pour l’ouvrage.

Mais il paraît que l’année I7S7 lui un temps de haute faveur pour les comédiens français. À cette époque ils avaient fait un tel abus du privilége de se gouverner eux-mêmes, qu’ils devaient quatre cent quatre-vingt-sept mille livres, et ils n’en obtinrent pas moins de la bonté du roi que S. M. payât à leur décharge une somme de deux cent soixante-seize mille livres ; et, au moyen d’une autre déduction également de faveur, ils se trouvèrent, en I7b7, ne plus devoir que cent soixante-dix-neuf mille livres.

Ils obtinrent de plus la permission de vendi e à ie cinquante entrées au spectacle, lesqu illes, à trois mille livres chacune, devaient leur rendre cent cinquante mille livres, et réduire ainsi leurs dettes à trente mille i ces.

Pendant qu’ils étaient en train d’obtenir, il ne leur en coûta pas plus de faire glisser, dans un règlement intérieur et non communiqué : que les auteurs qui jouissaient depuis cent mis du neuvième de la recette de leurs pièces jusqu’à ce qu’elles fussent tombées deux fois de suite à cinq cents livres l’hiver et trois cents livres l’été, c’est-à-dire jusqu’à ce que les comédiens n’eussent fait que leurs frais deux fois de suite ; ils firent, dis-je, glisser facilement que les auteurs cesseraient à l’avenir de jouir du neuvième axissitàt que la pièce Si rait tombée deux fois de suite au-dessous de douze cents livres l’hiver et Unit r<iiis livres l’été.

C’était plus que couper en deux leur propriété : car, si une pièce, pour tomber à cinq cents livres de recette, avait pu jouir de douze représentations, on sent qu’elle ne devait plus prétendre qu’aux fruits de cinq représentations, dès que les comédiens la retireraient à douze cents livres de recette.

On se garda bien de communiquer alors ce règlement aux auteurs, qui en étaient pourtant l’unique objet ; mais les comédiens osaient tout, parée ijn M se sentaient protégés, et qu’ils agissaient contre des gens isolés, dispersés, sans réunion, sans force et sans appui ; contre di qui avaient plus d’intelligence de leur art que de connaissance des affaires, « m plus d’amour de la de fermeté pour défendre leurs droits.

Cette usurpation, ou cette heureuse distraction des comédiens, fut le signal d’une foule de distractions de la même espèce, qui se succédèrent depuis sans interruption.

Par exemple, une pièce un peu suivie pouvail ne pas tombci assi >. tôl an gré des 1 1 médiens, i n deux i’pi éseiU’■ suiti. au dessous de’Ion/ :’ cents livres do recette, parce qu’un grand jour succédant à un petil jour, il arrivait souvenl que la pièce se relevait. Les comédiens, féconds en distractions, trouvôrenl moyen de communiquer les leurs au rédacteur d’un nouveau règlement ; il oublia d’écriri r,. si nta tions, ces petits mots, de suite, qui se trouvaient dans le premier règle ni non communiqué : alors l’alternative seule des grands el des petits jours devanl amener en peu de jours deux repri tenta tions séparées au-dessous de douze cents livres, la pièce se trouva bientôt perdue pour l’auteur. Il est impossible d’assign t le moyen donl ils se servirent pour opérer dan la tète du rédacteurun oubli qui tendail à racci urcir encore la propriété des auteurs : ce qu’il ; a de vrai, c’est que ces derniers n’entendirent pas plus parler du second règlement que du premier, qui les avait coupés en deux

On murmurait beaucoup cependant ; mais chaque auteur pouvant à peine attraper le rang d’une nouvelle pièce en cinq années d’attente, on ni avec quelle facilité un corp permanent assurail le fruit de ses distractions, en les exerçant toujours sur de nouveaux individus.

’près avoir beaucoup lu, beaucoup étudié les principes de l’ancienne convention, qui a duré un siècle et a été confirmée par divers règlements adoptés, et les avoir appliqués à l’état des receltes ci dépenses de la Comédie, au bordereau remis par la Comédie en 1776 pour le décompte du / ; ■/. &îi r de Si i il e, je suis parvenu à former un résultai si exact sur le droit d’auteur, qu’il m’a paru très-important de le communiquer aux comi diens. Enfin, après bien des difficultés combattues, et six mois de patience encore écoulés à solliciter une conférence où ces objet pussent être examinés, je suis parvenu à faire assembler, le 22 jan vier I7S0, chez M Gerbier, avocat, tout le conseil de la Comédie, donl il esl membre, composé de irnis avocats au parlement, deux au conseil, six comédiens français, un intendant des menus ; el les quatre commissaires de la littérature, donl l étai :. s’y sont rendus de leur côté. Pour disposer l’auditoire à me porter une alleu-