Ah ! je comprends…
Allez vous coucher, mon cher Basile : vous n’êtes pas bien, et vous nous faites mourir de frayeur. Allez vous coucher.
Il a la physionomie toute renversée. Allez vous coucher.
D’honneur, il sent la fièvre d’une lieue. Allez vous coucher.
Pourquoi êtes-vous donc sorti ? On dit que cela se gagne. Allez vous coucher.
Que j’aille me coucher !
Eh ! sans doute.
En effet, messieurs, je crois que je ne ferai pas mal de me retirer ; je sens que je ne suis pas ici dans mon assiette ordinaire.
À demain, toujours, si vous êtes mieux.
Basile, je serai chez vous de très bonne heure.
Croyez-moi, tenez-vous bien chaudement dans votre lit.
Bonsoir, monsieur Basile.
Diable emporte si j’y comprends rien ! et, sans cette bourse…
Bonsoir, Basile, bonsoir.
Eh bien ! bonsoir donc, bonsoir.
Scène XII
Cet homme-là n’est pas bien du tout.
Il a les yeux égarés.
Le grand air l’aura saisi.
Avez-vous vu comme il parlait tout seul ? Ce que c’est que de nous ! (À Bartholo.) Ah çà, vous décidez-vous, cette fois ?
Avant de finir, madame, je dois vous dire un mot essentiel au progrès de l’art que j’ai l’honneur de vous enseigner.
Eh mais ! il semble que vous le fassiez exprès de vous approcher, et de vous mettre devant moi pour m’empêcher de voir…
Nous avons la clef de la jalousie, et nous serons ici à minuit.
Quoi voir ? Si c’était une leçon de danse, on vous passerait d’y regarder ; mais du chant !… ahi, ahi !
Qu’est-ce que c’est ?
Je ne sais ce qui m’est entré dans l’œil.
Ne frottez donc pas !
C’est le gauche. Voudriez-vous me faire le plaisir d’y souffler un peu fort ?
(Bartholo prend la tête de Figaro, regarde par-dessus, le pousse violemment, et va derrière les amants écouter leur conversation.)
Et quant à votre lettre, je me suis trouvé tantôt dans un tel embarras pour rester ici…
Hem ! hem !…
Désolé de voir encore mon déguisement inutile…
Votre déguisement inutile !
Ah !…
Fort bien, madame, ne vous gênez pas. Comment ! sous mes yeux mêmes, en ma présence, on m’ose outrager de la sorte !
Qu’avez-vous donc, seigneur ?
Perfide Alonzo !
Seigneur Bartholo, si vous avez souvent des lubies comme celle dont le hasard me rend témoin, je ne suis plus étonné de l’éloignement que mademoiselle a pour devenir votre femme.
Sa femme ! moi ! passer mes jours auprès d’un vieux jaloux qui, pour tout bonheur, offre à ma jeunesse un esclavage abominable !
Ah ! qu’est-ce que j’entends ?
Oui, je le dis tout haut : je donnerai mon cœur