Scène XXII
Ne l’ordonnez pas, monseigneur ! Avant de lui faire grâce, vous nous devez justice. Il a des engagements avec moi.
Voilà ma vengeance arrivée.
Des engagements ! de quelle nature ? Expliquez-vous.
Oui, je m’expliquerai, malhonnête !
De quoi s’agit-il, Marceline ?
D’une obligation de mariage.
Un billet, voilà tout, pour de l’argent prêté.
Sous condition de m’épouser. Vous êtes un grand seigneur, le premier juge de la province…
Présentez-vous au tribunal, j’y rendrai justice à tout le monde.
En ce cas, votre grandeur permet que je fasse aussi valoir mes droits sur Marceline ?
Ah ! voilà mon fripon du billet.
Autre fou de la même espèce !
Vos droits ! vos droits ! Il vous convient bien de parler devant moi, maître sot !
Il ne l’a, ma foi, pas manqué du premier coup : c’est son nom.
Marceline, on suspendra tout jusqu’à l’examen de vos titres, qui se fera publiquement dans la grande salle d’audience. Honnête Basile, agent fidèle et sûr, allez au bourg chercher les gens du siége.
Pour son affaire ?
Et vous m’amènerez le paysan du billet.
Est-ce que je le connais ?
Vous résistez !
Je ne suis pas entré au château pour en faire les commissions.
Quoi donc ?
Homme à talent sur l’orgue du village, je montre le clavecin à madame, à chanter à ses femmes, la mandoline aux pages ; et mon emploi surtout est d’amuser votre compagnie avec ma guitare, quand il vous plaît me l’ordonner.
J’irai bien, monsigneu, si cela vous plaira.
Quel est ton nom et ton emploi ?
Grippe-Soleil Je suis Grippe-Soleil, mon bon signeu ; le petit patouriau des chèvres, commandé pour le feu d’artifice. C’est fête aujourd’hui dans le troupiau ; et je sais ous-ce-qu’est toute l’enragée boutique à procès du pays.
Ton zèle me plaît ; vas-y ; mais vous (à Basile), accompagnez monsieur en jouant de la guitare, et chantant pour l’amuser en chemin. Il est de ma compagnie.
Oh ! moi, je suis de la…
Que j’accompagne Grippe-Soleil en jouant ?…
C’est votre emploi. Partez ou je vous chasse.
Scène XXIII
Ah ! je n’irai pas lutter contre le pot de fer, moi qui ne suis…
Qu’une cruche.
Au lieu d’aider à leur mariage, je m’en vais assurer le mien avec Marceline. (À Figaro.) Ne conclus rien, crois-moi, que je ne sois de retour.
Conclure ! oh ! va, ne crains rien ; quand même tu ne reviendrais jamais… Tu n’as pas l’air en train de chanter : veux-tu que je commence ?… Allons, gai, haut la-mi-la, pour ma fiancée.