Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/448

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Ce qui m’importe beaucoup, c’est que l’arrêt, annulant l’arrêté qui contient la créance reconnue de cent trente-neuf mille francs, annule aussi la promesse que M. Duverney m’a faite plus bas, de me remettre tous les titres, papiers, reçus, billets, qui forment la différence de cinquante-six mille trois cents à cent trente-neuf mille livres, c’est-à-dire quatre-vingt-deux mille sept cents livres, comme étant acquittés ; et que, par cet annulement entier de l’acte, je reste à la merci de celui qui me retient ces titres, et qui peut, quand il voudra, me faire demander le payement de ces quatre-vingt-deux mille sept cents livres que je ne dois plus. Donc l’arrêt doit être reformé.

Sur trois quittances présentées dans l’acte en acquittement des cent trente-neuf mille francs, l’une de vingt mille, la seconde de dix-huit mille, la troisième de neuf mille cinq cents livres, vous vous êtes déchaîné contre la première en cent manières ; mais vous ne m’avez jamais (avant l’arrêt) contesté les deux autres : et cependant l’arrêt qui annule l’acte entier, par lequel M. Duverney reçoit ces deux quittances en payement, me fait tort de vingt-sept mille cinq cents livres, que, selon vous-même, j’ai bien payées à compte des — us que je devais. Donc l’arrêt doit être réformé.

Vous ne m’avez pas contesté (avant l’arrêt) l’obligation que M. Duverney s’est imposée dans l’acte, de me rendre toutes les sollicitations qui lui ont été faites pour moi par la famille royale (et que j’appelais mes lettres de noblesse, parce qu’il n’y a rien de plus anoblissant qu’une bienveillance aussi auguste, quand elle est méritée) ; or l’arrêt, annulant l’acte entier, vous dispense de me remettre ces papiers précieux qui m’appartiennent, et qu’on s’est obligé de me rendre par cet acte même. Donc l’arrêt doit être réformé.

Vous ne m’avez pas contesté avant l’arrêt l’engagement que M. Duverney a pris dans l’acte, de me faire faire, par un des meilleurs peintres, un grand tableau qui le représentât en pied. Or, u’. cùt-il de vrai que cet article, que vous vous êtes b nté d’honorer d’un profond mépris, encore l’arrêt devait-il me l’allouer : car mépriser en plaidant n’est pas contester, monsieur le comte ; et quant aux arrêts, vous savez qm’c’est la justice do la demande, et non s ; i valeur, qui doit les i n portrait, une bagatelle même, enant d’une ■ n, mu chère, peut être d’un tel prix, iu yeux du demandeur, qu’il en fasse plus de ras que d’une somme immense. Je n’t’ii veux qu’un exemple, encore [du— connu do moi— qui’do moi. Par —mi testament, M. Duverney, croyant ne I voir faire un legs plus précieux a son neveu, lo marquis do lîrunoy, lui laisse un portrait du roi dans uni— boite d’or qu’il désigne, et qu’il a reçue, •lu il. de s laitre ; plus, un portrait de la reine, en grand, que cette princesse lui avait aussi donné.

En homme exact, en légataire intelligent, vous vous avisez d’observer que le texte du testament est obscur sur ces deux points ; que la boîte d’or pourrait fort bien n’être pas comprise dans le don du portrait du roi, ni le cadre doré dans lo don do celui de la reine : en conséquence, moi— faites dessertir l’un, décadrer l’autre, et vous les envoyez a cru, sans cristal ni bordure, enfin sans orne ni superflu. Le marquis de Brunoy, justement offensé, regarde à son tour le texte du testament, y voit, à côté du don de chacun des portraits, ces mots : Tel qu’il se comporte. Assignation de l’héritier du sang au légataire : on plaide, et le légataire, se voyant prêt a être condamné, sent un peu tard le ridicule de sa conduite, envoie ci cadre et boîte et cristal ; et c’est là une des difficultés que vous appelez, dans l’exorde de votre mémoire, les persécutions dont ce malheureux legs de quinze cent mille francs a été la source : et ma citation finit là, sauf ma réflexion, qui est que, si l’engagement de remettre un portrait à bonne grâce dans un testament, il ne saurait défigurer une transaction. Ce portrait que j’ai tant désiré, vous l’eussiez négligerons, pour des objets plus essentiels ; mais moi, qui chéris autant la mémoire de ce respectable ami que vous en adorez la fortune, je voulus prendre alors des assurances contre l’asservissement domestique où vous le teniez, et qui l’empêchait seul d’accomplir la promesse qu’il m’avait faite depuis longtemps de me donner son portrait. Or, de ce que vous ne m’avez pas contesté cette clause (avant l’arrêt), parce que vous l’avez dédaignée ^ ensuit-il qu’un injuste arrêt doive me priver du plaisir extrême que le portrait de mon ami, de mon bienfaiteur, m’aurait causé ? Donc l’arrêt doit être réformé, sauf à plaider entre nous pour le cadre, et même le châssis, quand vous m’enverrez le portrait sur toile.

Mais si vous cherchez à faire entendre que cet arrêt ne m’a fait aucun des torts dont je me plains, parce que tous ces articles sont autant d’illusions, je vous demande à mon tour comment vous, qui avez i lé si fertile en raisonnements contre les objets que vous honorez de vos suspicions dans cet acte, n’en avez imaginé aucun pour contester (avant l’arrêt) tous ceux que je viens de citer. Kl si vous ne l’avez pas fait (avant l’arrêt, comment cet arrêt, en annulant l’acte entier, a-t-il pu vous les allouer à mes dépens, et VOUS accorder plus que vous ne demandiez vous-même ? N’est-ce pas là le vice le plus grossier dont un arrêt puisse être taché ? de sorte qu’eussiez-vous raison sur tous les points que von-, disputez à l’acte ce que non— vei rons dans un moment i, en reprenant mon échelle à sens contraire, je vois que l’arrêt vous fait présent d’un portrait que vous ne demandiez pas, qu’il ous fait présent des re-