Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/600

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L’autre est une lettre anonyme d’une écriture contrefaite, et figurée ainsi :

On dit que tu réponds, misérable. Si tu fais le moindre effort pour sortir de l’état où nous voulons que tu reste, tu ne sera pas en vie dans huit jours. Le papier semblable à cette lettre servira de réponse au tien, et tu n’aura pas même l’honneur du réverbère. (À monsieur Beaumarchet, etc., à Paris.).

Et cette lettre est écrite sur le revers d’un billet d’enterrement. Certes, le district des Récollets a là d’honorables champions ! Il faut convenir aussi que la petite poste est une merveilleuse invention pour les donneurs de bons conseils ! J’ai gardé l’avis imprimé de l’obligeant sieur le Marchant ; mais j’ai porté celui de l’autre galant homme au commissaire Defresne, en le priant de joindre cette pièce à toutes les autres du dossier de mes plaintes au criminel. Et, pour servir ces messieurs à leur gré, j’ai fait presser mon imprimeur : car je voudrais être jugé avant qu’ils exécutent leur noble plan sur ma personne.

Ô citoyens ! quels fruits de la liberté ! Ce sauvageon amer a grand besoin d’être greffé sur de sages lois réprimantes !

Caron de Beaumarchais.

NOTE ADDITIONNELLE DU 6 SEPTEMBRE.

« Le commissaire Defresne me fait remarquer ce matin que le billet d’enterrement dont on a pris moitié pour m’écrire cette infamie est celui d’un citoyen mort au mois de juillet dernier dans le district des Récollets, et enterré à Saint-Laurent. Ainsi le style et l’écriture de l’anonyme, en tout pareils à d’autres que j’ai reçus pendant le procès Kornman ; la demeure de ce dernier et autres dans la rue de Carême-Prenant, dont les Récollets sont très-proches ; le billet d’enterrement d’un homme de ce district, employé pour m’écrire (quel raffinement d’horreurs ! choisir un papier mortuaire pour faire la menace d’un meurtre !) ; l’identité des termes de la motion des Récollets avec ceux de libelles dont j’avais déjà rendu plainte ; les preuves faites contre les payants et les payés de ces libelles correspondants (et je les nommerai tous, afin qu’ils soient connus) : toutes ces circonstances rapprochées pourront mettre un jour mes héritiers, à mon défaut, ou moi sur la voie de ces scélérats, quand nous aurons des tribunaux.

« Cependant, braves ennemis, vous entendez mal votre affaire. Assassiner un homme est sans doute un moyen certain pour lui faire perdre en un moment sa représentation à la Ville. Mais n’est-ce pas le plus faible de tous les arguments quand il s’agit de prononcer sur lui ?

« Et vous, messieurs de la Commune, qui augmentez leur audace et ma peine par un oubli de dix-neuf mortels jours ; vous qui, suspendant mes fonctions pour délibérer sur ma plainte, m’avez puni avant de juger, ne voulez plus me juger parce que vous m’avez puni ! on en usait ainsi à la Bastille. Ah ! n’oubliez jamais que vous l’avez détruite, pour substituer des jugements légaux à des vengeances arbitraires !

Caron de Beaumarchais. »

PRÉCIS

ET

JUGEMENT DU PROCÈS

DE PIERRE-AUGUSTIN CARON DE BEAUMARCHAIS

Membre de la représentation de la commune de Paris

Sur la dénonciation faite à l’assemblée de la commune, le 19 août 1789, d’une rixe entre Caron de Beaumarchais et un autre membre de la même assemblée, présent ; et sur l’explication donnée par M.{{{1}}}de Beaumarchais de cette rixe, en priant l’assemblée de vouloir bien porter ses regards très-sévères sur plusieurs motions diffamatoires faites et imprimées contre lui dans le district des Récollets et autres qu’il dénonçait, et dont il rendait plainte à l’assemblée, est intervenu l’arrêté suivant :

Extrait du procès-verbal de l’assemblée des représentants de la commune de Paris.

« Du mardi 19 août, 1789.

« L’assemblée, délibérant sur la dénonciation faite de propos violents tenus contre un de ses membres par M. Caron de Beaumarchais ; ensemble sur les différentes inculpations portées par plusieurs districts contre lui, et sur lesquelles il a demandé lui-même à se justifier, a arrêté que le sieur de Beaumarchais s’absenterait de rassemblée jusqu’à ce qu’elle ait prononcé sur les faits ci-dessus détaillés.

« Signé Vauvilliers et Blondel, présid.
« De Joly, secrétaire. »

L’assemblée a nommé quatre commissaires pour faire les enquêtes ; et, son jugement en étant retardé, M. de Beaumarchais lui a présenté, le 6 septembre, une requête imprimée tendante à obtenir une justice prompte et définitive. L’assemblée a bien voulu y avoir égard ; il en a reçu le 14 l’invitation suivante :

Assemblée des représentants de la commum de Paris.

« M. Caron de Beaumarchais voudra bien se rendre demain, à dix heures du matin, à l’assemblée