Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/682

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voient militairement réclamer, et qui pis est, en votre nom, sitôt qu’elles ne sont plus à vous, à l’instant même où l’on vous y fait renoncer… Dans l’histoire du monde et des fatals ministres, on ne voit nul exemple d’un désordre de cette audace. d’une aussi grande dérision, d’un si moqueur abus de la puissance ministérielle : d’où mes créanciers effrayés m’ont regardé comme perdu, comme sacrifié sans pudeur, et m’ont arrêté pour leur gage !

Je passe sous silence, ô citoyen Lecointre, la façon plus qu’étrange dont on vous a fait m’outrager, vous qu’on dit un homme très-humain, parce que personne n’ignore qu’en plaidant, de fortes injures ne sont que de faibles raisons !

Je laisse de côté les dilapidations des acheteurs favoris de nos ministres en Hollande, qui n’ont pas un rapport direct à l’affaire de mes fusils, ainsi que ce qui tient aux fabricateurs d’assignats, que ces mêmes ministres ont laissés échapper des prisons d’Amsterdam, où M. de Maulde les tenait, et pour l’arrestation desquels j’avais prêté des fonds à cet ambassadeur qu’on y laissait manquer de tout ; lesquels faussaires si dangereux n’ont pas cessé depuis d’exercer contre nous ce genre d’empoisonnement, le plus grand mal qu’on pût faire à la France ! faute par ces ministres d’avoir jamais à ce sujet répondu aux dépêches de notre ambassadeur ; faute de lui avoir jamais envoyé un courrier, ni sur cette affaire importante, ni sur aucune autre de celles dont sa correspondance est pleine, excepté néanmoins l’important courrier de Lebrun, qui eut ordre de crever tous les chevaux sur la route pour me faire arrêter à la Haye, moi qui les avais prévenus que j’allais partir pour Paris, et porter enfin la lumière à la barre de la Convention sur leur ténébreuse conduite ! Et je n’en dis pas plus ici, parce qu’il sera temps, quand on m’interrogera, de poser sur ces faits des choses plus avérées que toutes les horreurs dont ils m’ont accablé.

Je résume ce long mémoire, et vais serrer en peu de mots ma justification, maintenant bien connue.

Ma première époque a prouvé que, loin d’avoir acheté des armes pour les vendre à nos ennemis et tâcher d’en priver la France, comme j’en étais accusé, j’ai soumis au contraire le vendeur aux plus fortes peines, si l’on détournait une seule pour quelque usage que ce fût ;

Que, loin d’avoir voulu donner à ma patrie des armes de mauvaise qualité, j’ai pris toutes les précautions pour qu’elles fussent de bon service, les ayant achetées en bloc et les soumettant au triage ;

Que vous n’en avez jamais eu d’aucun pays à si bas prix ; que le traité fut fait par M. de Graves, de concert et d’après l’avis du comité militaire d’alors, et que j’ai déposé sept cent quarante cinq mille livres en contrats viagers qui me rapportaient neuf pour cent d’intérêts, que vous avez gardés aussi, contre cinq cent mille francs d’assignats qui perdaient quarante-deux pour cent, ne donnaient aucun intérêt, et ne m’ont pas rendu cent mille écus nets en florins.

Ma seconde époque a prouvé que tous nos ennemis, instruits par la perfidie des bureaux, ont fait mettre en Hollande un insultant embargo sur ces armes ; que j’ai fait mille efforts auprès de nos ministres (qui se disaient tous patriotes) pour parvenir à le faire lever ; que mes efforts ont été vains.

Ma troisième époque a prouvé que, demandant enfin une solution quelconque aux deux ministres et aux trois comités, qui me permit de vendre mes fusils, s’il était vrai que l’on n’en voulût plus, les trois comités réunis ont rejeté l’offre que je faisais de reprendre mes armes ;

Qu’ils ont fixé eux-mêmes les clauses du marché qui les assuraient à la France ; qu’ils m’ont su un gré muni du grand sacrifice d’argent que.1 n fut de si bonne grâce pour que ces armes vous parvinssent, me soumettant, contre mes intérêts, à tout ce qu’ils ont cru avantageux à la nation ; Qu’à l’exécution du traite toutes les clauses en ont été éludées contre moi ; que j’ai tout souffert sans me plaindre, parce qu’il s’agissait du servi nation, à qui je dois le pas sur moi. Ma quatrième époque n’a que trop bien prouvé qu’après avoir perdu cinq mois et usé huit à neuf ministres sans obtenir aucune justice, au grand dommage de mon pays, j’ai vu que le mot de I énigme était que le » nouveaux ministres voulaient que mes armes passassent dans les mains de LEURS AFFILIÉS, pOW les eeeruilee à la inll’mn à bien plus haut prix que le mien ; el que sur mon refus de les céder à leurs messieurs pour sept florins huit sous la pièce, on m’a fait nuitée à l’Abbaye, où l’on m’a renouvelé ces offres avec promesse de m’en faire sortir, muni d’une belle attestation, si j’entendais à leurs propositions ; àl’Abbaye, où, sur mes refus obstinés, j’eusse été massacré, dans la journée du 2 septembre, sans un secours étranger aux ministres, qui m’arracha de cet affreux séjour et me ravit ;’i leurs projets de mort.

Ma cinquième époque ; t prouvé que Lebrun, Clavière et autres avaient fait arrêter en France M. de la Hogue, mon agent (chargé par le traité d’aller livrer les fusils à M. de Maulde. pour que rien ne pût s’achever si je ne cédais pas les armes ;’i leur i pi i • il :, i :’qu n i il : de ces ibs mil IgUi s, j’en ai porté mes plaintes à l’Assemblée nationale, qui a fait ordonner au ministre Lebrun de me mettre en état de partir sous les vingt-quatre heures avec tout ce que le traité exigeait, pour nous faire arriver les armes ;

Que ce ministre l’a promis il s’y est engagé : i i d m ; > fait perdre encore huit jours, ni i l’ut partir s un— me remettre ni fonds m en ni mu m mt ut. sous des promesses insidieuses qui n’avaient d’autre but que de m’écarter de la France pour