Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/769

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bien plus marchands de temps qu’ils ne sont vedeurs d’eau, en leur offrant un puisement aisé toujours voisin de leur service, et surtout exempt du danger qui les menace à la rivière.

Que si l’augmentation de nos abonnements en diminue le nombre par la suite, nous lui dirons qu’il n’est pas encore bien prouvé que vingt-cinq mille hommes vigoureux soient plus utiles avec deux seaux qu’ils ne le seraient au labour ; nous lui dirons qu’il y avait dans le royaume quarante-cinq mille tricoteuses, quand un mauvais citoyen comme nous fit les premiers bas au métier ; qu’on ne peut former rien de grand ni d’avantageux au public, sans choquer un moment quelque intérêt particulier ; enfin nous lui dirons… mais plutôt nous ne dirons rien, car il n’y a pas d’apparence que nous ayons deux fois à disputer sur une semblable matière.

On ne contestera pas les détails que M. de Mirabeau donne sur les établissements de Londres ; on ne les connaît pas assez.

Mais s’il fallait juger de ces aperçus étrangers par la fidélité de ceux que l’auteur avait sous les yeux, et qu’il a négligés, on serait peu tenté d’examiner ceux-ci. Cependant on peut faire observer :

1o Que la compagnie anglaise de la nouvelle Rivière fait des bénéfices considérables, parce que, ayant acheté les intérêts de Middleton à bas prix, ce canal ne lui coûte pas plus que l’établissement de machines à feu qui fourniraient la même quantité d’eau. Nous donnerons la preuve de cette vérité par un calcul comparatif du projet de M. de Parcieux avec celui des machines à feu.

2o On a vu, par ce que nous avons dit, qu’il n’est pas nécessaire que la compagnie de Paris ait acheté à perte ses actions des eaux, pour faire les mêmes bénéfices que celle anglaise de la nouvelle Rivière.

3o Que les frais ne peuvent pas être moins considérables à Londres qu’à Paris ; on ne sait pas du moins sur quels fondements l’auteur pourrait en appuyer la différence, si ce n’est sur les tuyaux de métal, qui sont plus chers que ceux de bois, employés seuls à Londres. À l’égard du charbon pour le chauffage des machines, l’administration des eaux de Paris prouve, comme nous l’avons dit, qu’elle dépense au plus vingt-trois sous quatre deniers en combustible pour une quantité d’eau qu’elle vend cinquante francs.

4o On ne sait quelle raison pourrait donner l’auteur pour établir que l’usage de l’eau ne s’augmentera pas à Paris comme il s’est étendu à Londres.

5o Que la compagnie anglaise de la nouvelle Rivière a six autres compagnies en concurrence avec elle pour fournir la ville de Londres, et que la compagnie de Paris n’en a aucune, à moins que M. de Mirabeau ne veuille présenter la belle fontaine épuratoire du quai de l’École comme une rivalité dangereuse. Les eaux qui appartiennent au gouvernement ne forment point de concurrence avec celles de la compagnie : la ville n’en peut point vendre actuellement ; et la totalité de ses moyens, réunie aux eaux du roi, ne forme pas la dixième partie de ce que la compagnie peut fournir avec le seul établissement de Chaillot.

° nue l’eau que la compagnie fournit est au -aie en bonté à toutes celles qu’on peut se procurer dans la capitale ; c’est de l’eau de Seine, en un mot, toujours limpide, et jug xcellente par la Société royale de médecine ; et l’an I ■ ur d i brochure mérite un reproche très-grave, lorsqu’il insinue le contraire pour relever pompeusement les petits établissements des fontaines épuratoires, qui ne donnent aucun profil à leur compagnie, qui ne sont d’aucune utilité publique, et n’ont enfin d’autre avantage que d’éviter au porteur d’eau moyennant de l’argent) le court chemin du quai à la rivière.

Pour décrier notre entreprise, l’auteur parle souvent du canal de l’Yvette, dont le projet a eu beaucoup de célébrité : nous allons le i omparer à celui des machines à feu, avec la tranquille impartialité qui doit accompagner la discussion de tout objet qui intéresse le public. Supposons qu’on pourrait construire actuellement le canal de l’Yvette, malgré l’augmentation des matériaux et des journées d’ouvriers, pour la somme de sept millions huit cent vingt-six mille deux cent neuf livres, suivant les devis faits, il) a quinze ans, par M. Perronnet : ou plutôt ne supposons rien. Tout étant augmenté de plus d’un cinquième depuis les devis faits par M. Perronnet, posons que ce canal, à sa valeur actuelle, coûterait au moins dix millions, et qu’il conduirait à Paris quatorze cents pouces d’eau dans les eaux basses : il est bien vrai qu’on estime le produit moyen de ce canal à deux mille pouces ; mais s’il ne doit fournir que quatorze cents pouces dans les eaux basses, et le moment des sécheresses étant celui où l’on consomme le plus d’eau, ce que produirait déplus ce canal, dans les autres saisons de l’année, devient à peu près inutile.

Voilà donc dix millions dépensés, qui produisent quatorze cents pouces d’eau amenés jusqu’à la rue de la Bourbe, près de l’Observatoire. Quant aux dépenses des conduites et celles que la compagnie a faites ou doit faire pour distribuer l’eau dans Paris, nous ne les ferons point entrer dans nos calculs, puisqu’elles sont nécessaires à toutes les distributions d’eau, par quelques moyens qu’elle arrive.

Supposons maintenant qu’une compagnie entreprenne le grand ouvrage d’amener l’Yvette à Paris, comme l’Anglais Hugh Middleton a entrepris de conduire la rivière Neuve à Londres : son capital de dix millions employé lui coûtera en intérêts