Mais à Londres, où le comte a tant de ménagements à garder !… d’ailleurs votre état ne rend pas encore cet aveu indispensable.
N’est-il pas plus aisé de prévenir un mal que d’en arrêter les progrès ? Le temps fuit, l’occasion échappe, les convenances diminuent ; l’embarras de parler augmente, et le malheur arrive.
Votre époux est trop délicat pour vous exposer…
N’avez-vous pas trouvé, comme moi, un peu d’apprêt dans son air, de recherche dans son langage ? cela me frappe à présent que j’y réfléchis. Cette touchante simplicité qu’il avait à la campagne était bien préférable.
Dès qu’il s’éloigne, l’imagination travaille.
Scène VII
Qu’est-ce que c’est ?
Des lettres que le facteur vient d’apporter.
D’Irlande : voici des nouvelles.
De mon frère ?
Non. C’est une lettre de son cousin, qui sert dans le même corps.
Point de lettres de sir Charles ? Il est bien étonnant !…
Laissez cela. Betsy serrera nos habits.
Scène VIII
Son silence me surprend et m’afflige.
S’il vous afflige, miss, la lettre de sir Henri ne me paraît pas propre à vous consoler. Votre frère n’a pas reçu nos dernières : c’est un terrible état que le métier de la guerre !
Mon frère est mort !
Ai-je dit un mot de cela ?
Je n’ai pas une goutte de sang.
Puisque votre effroi va au-devant de mes précautions, lisez vous-même.
« Mon cousin, grièvement insulté par son colonel, l’a forcé de se battre et l’a désarmé. Son ennemi vient de le dénoncer, ce qui a obligé sir Charles à prendre secrètement la route de Londres, Mais le colonel le suit, pour l’accuser chez le ministre. » Ah ! mon frère !
Scène IX
Eh bien ! parce que je m’endors un moment en jasant avec vous…
Mon frère s’est battu.
D’où savez-vous cela ?
C’est ce que mande sir Henri.
Et il a désarmé son homme : si ce n’était pas son colonel…
Son colonel tout comme un autre.
Mon père, ma tante, occupons-nous tous des moyens de le sauver.
Où le prendre ?
Mon cousin dit qu’il est à Londres.
Mais il ne sait pas que nous y sommes.
Milord Clarendon ne pourrait-il pas…
Le cher lord ! Ah ! oui. Si monsieur lui fait la grâce d’accepter ses services.
Ma foi, ce serait ma dernière ressource. Donne-moi la lettre, Eugénie. (Il lit bas.) Diable ! (Il lit tout haut.) « Quand il ne réussirait pas à le perdre, avertissez sir Charles d’être toujours sur ses gardes ; le colonel a la réputation de se défaire des gens par toutes sortes de voies… » Bon ! cela ne peut pas être : un officier…
Cet événement me ramène à ce que je vous disais tantôt, monsieur ; si, au lieu de destiner votre fille à un vieux militaire sans fortune, vous trouviez bon que l’on eût pour elle des vues plus relevées… Les protections aujourd’hui…