Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, précédées d’une notice sur sa vie et ses ouvrages.djvu/150

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Sur ma toilette, une baigneuse à moi. (Suzanne entre dans le cabinet dont la
porte est au bord du théâtre.)
Scène V
Chérubin, La Comtesse, assise.
La Comtesse
Jusqu’à l’instant du bal, le Comte ignorera que vous soyez au château. Nous lui
dirons après, que le temps d’expédier votre brevet nous a fait naître l’idée…
Chérubin le lui montre.
Hélas ! madame, le voici ! Bazile me l’a remis de sa part.
La Comtesse
Déjà ? L’on a craint d’y perdre une minute. (Elle lit.) Ils se sont tant pressés,
qu’ils ont oublié d’y mettre son cachet. (Elle le lui rend.)
Scène VI
Chérubin, La Comtesse, Suzanne.
Suzanne entre avec un grand bonnet.
Le cachet, à quoi ?
La Comtesse
À son brevet.
Suzanne
Déjà ?
La Comtesse
C’est ce que je disais. Est-ce là ma baigneuse ?
Suzanne s’assied près de la Comtesse.
Et la plus belle de toutes. (Elle chante avec des épingles dans sa bouche.)
Tournez-vous donc envers ici,
Jean de Lyra, mon bel ami.
(Chérubin se met à genoux. Elle le coiffe.)
Madame, il est charmant !
La comtesse
Arrange son collet d’un air un peu plus féminin.
Suzanne l’arrange.
Là… Mais voyez donc ce morveux, comme il est joli en fille ! j’en suis jalouse,
moi ! (Elle lui prend le menton.) Voulez-vous bien n’être pas joli comme ça ?
La Comtesse
Qu’elle est folle ! il faut relever la manche, afin que l’amadis prenne mieux…
(Elle le retrousse.) Qu’est-ce qu’il a donc au bras ? Un ruban !
Suzanne
Et un ruban à vous. Je suis bien aise madame l’ait vu. Je lui avais dit que je
le dirais, déjà ! Oh ! si Monseigneur n’était pas venu, j’aurais bien repris le
ruban ; car je suis presque aussi forte que lui.
La Comtesse
Il y a du sang ! (Elle détache le ruban.)
Chérubin, honteux.
Ce matin, comptant partir, j’arrangeais la gourmette de mon cheval ; il a donné
de la tête, et la bossette m’a effleuré le bras.
La Comtesse
On n’a jamais mis un ruban…
Suzanne
Et surtout un ruban volé. — Voyons donc ce que la bossette… la courbette… la
cornette du cheval… Je n’entends rien à tous ces noms-là. — Ah ! qu’il a le
bras blanc ! c’est comme une femme ! plus blanc que le mien ! Regardez donc,
madame ! (Elle les compare.)
La Comtesse, d’un ton glacé.
Occupez-vous plutôt de m’avoir du taffetas gommé, dans ma toilette. (Suzanne lui
pousse la tête en riant ; il tombe sur les deux mains. Elle entre dans le cabinet
au bord du théâtre.)
Scène VII
Chérubin, à genoux, La Comtesse, assise.
La comtesse reste un moment sans parler, les yeux sur son ruban. Chérubin la
dévore de ses regards.
Pour mon ruban, monsieur… comme c’est celui dont la couleur m’agrée le plus…
j’étais fort en colère de l’avoir perdu.
Scène VIII
Chérubin, à genoux, La Comtesse, assise, Suzanne.
Suzanne, revenant.
Et la ligature à son bras ? (Elle remet à la Comtesse du taffetas gommé et des
ciseaux.)
La Comtesse
En allant lui chercher tes hardes, prends le ruban d’un autre bonnet. (Suzanne
sort par la porte du fond, en emportant le manteau du page.)
Scène IX
Chérubin, à genoux, La Comtesse, assise.
Chérubin, les yeux baissés.
Celui qui m’est ôté m’aurait guéri en moins de rien.
La Comtesse