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Page:Beaumarchais - Mémoires, tome1.djvu/21

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maître de musique des filles d’un roi de France, électrisé à la nouvelle de l’insurrection américaine, fait fabriquer des fusils, construire des vaisseaux, équiper des hommes, organise un système d’approvisionnement et contribue de toutes ses forces au triomphe de cette insurrection, qui allait aboutir, aux yeux du monde stupéfait, à une république dont les principes régénérateurs devaient rayonner à bref délai sur la vieille Europe en délabre.

Le succès couronnait toutes les entreprises de Beaumarchais ; sa fortune devint prodigieuse. Il l’employa à l’embellissement de Paris, en construisant des maisons d’une architecture empruntée aux modèles venus d’Italie. Il se proposait de faire construire un pont sur la Seine, en face du boulevard qui touchait sa maison, boulevard qui porte son nom aujourd’hui, et il allait faire exécuter ce projet lorsque la Révolution vint se jeter au-devant de ses projets. Ses richesses lui avaient fait des envieux ; en août 1792, il fut accusé de cacher des armes dans un souterrain ; sa maison fut envahie, il s’échappa par une porte secrète de son jardin, se réfugia chez un de ses amis : là, on fit une perquisition dont il se crut l’objet, et il passa par toutes les inquiétudes inséparables de ces temps de troubles, fut arrêté, conduit à l’Abbaye, puis remis en liberté. Il quitta Paris, fut chargé d’une mission en Angleterre et ne rentra en France que lorsqu’il se crut assuré de sa liberté et de sa vie. Toutes ces vicissitudes avaient fortement ébréché sa fortune ; mais avec son énergie et son sang-froid des jours plus heureux, il se mit à la tâche pour la reconstituer ; il était en bonne voie pour arriver à ce résultat, lorsque, dans la nuit du 29 au 30 floréal an VII (19 mai 1799), il mourut subitement frappé d’un coup de