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le château vert

touché, un peu tardivement, Philippe à l’une de ses étapes, à Beaucaire, il s’était mis en route pour Agde.

M. Ravin avait répondu à sa femme qu’une affaire importante le retenait encore à Paris, mais qu’il comptait bien se retrouver, la veille du scrutin, au milieu de ses amis du cercle.

Midi allait sonner. Sûrement, lorsque Philippe se serait débarrassé de la poussière de son voyage, il s’empresserait d’accourir chez les Barrière, après déjeuner.

Depuis le départ si brusque de Philippe, quel visage nouveau, radieux de bonne grâce et d’espérance, avait revêtu, aux yeux de Mariette, la réalité des choses ! C’était le courage de son père qui avait accompli le miracle.

Et, dans l’âme de Mariette, le courage aussi s’était ranimé, et la gaieté, comme la chanson à l’oiseau, et le désir d’aimer, comme le parfum à la fleur dont le soleil boit la rosée.

On déjeuna dans un frémissement de plaisir mêlé d’anxiété. La bonne apporta les tasses de café. Bientôt Barrière s’en retournerait à son travail, dans le jardin. Et Philippe, cependant, ne se présentait pas. Mariette désespérait déjà, sans rien trahir de son inquiétude, lorsque dans le couloir elle reconnut le pas de Philippe. Elle se mit debout, au coin de la cheminée, et fixant d’un regard aigu la porte, elle eut une peine étrange de sentir qu’une flamme envahissait soudain ses joues.

La porte s’ouvrit, lentement. Philippe apparut, le teint hâlé, l’allure calme, mais tout souriant de tendresse. Son regard rencontra aussitôt celui de Mariette, et sans prononcer un mot, devant leurs parents aussi troublés qu’eux-mêmes, ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre. Philippe se délivra doucement de l’étreinte, et, la voix tremblante, il dit :

— J’espère, Mariette, que vos appréhensions sont maintenant dissipées et que vous êtes mienne toujours ?

— Oui, Philippe, répondit-elle sur un même ton de sagesse. Je ne vous ai jamais quitté, vous le savez bien ; je suis à vous toujours. Il faut que je le déclare aujourd’hui, à cette heure même : oui, je reste fidèle à mes sentiments de fiancée. Si j’attendais le résultat du scrutin de dimanche, ne serait-on pas en droit de croire qu’ici nous avons douté de la sympathie des notables ?