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le château vert

— Non. Le bain me fatigue.

— Comme tu te soignes !

Philippe ne répondit mot, sans qu’elle s’en offusquât. Il aimait le silence. Peut-être était-il saisi par la splendeur du spectacle, toujours nouveau, du ciel et de la mer confondant leurs lumières. Thérèse lui disait des gentillesses et riait. Il riait également, amusé de ses flatteries parfois espiègles. Mariette était-elle aussi gaie, aussi exubérante que Thérèse ? Ah ! quelle joie il aurait de la rencontrer un jour sur cette plage familière et d’y trouver avec elle la poésie de ce paysage si simple en sa noblesse ! À cette pensée d’amour il trouvait une saveur délicieuse de fruit défendu, et il oubliait par intermittences la présence de Thérèse qui bavardait constamment.

Midi bientôt. Les baigneurs quittaient la plage, Philippe et Thérèse, d’un même pas que l’épaisseur du sable rendait pénible, rentrèrent à l’hôtel. On déjeuna sur la terrasse, dans le décor vert enguirlandé des lianes de la vigne vierge, dont l’automne déjà colorait de pourpre et de cuivre les feuilles fanées. À table, Philippe se sentit, malgré lui, adulé comme un jeune roi. Dans la douce atmosphère d’espérance que les Jalade entretenaient chez eux, il n’y eut pour lui aussi que le plaisir de vivre.

— Que ferons-nous, cette après-midi ? demanda-t-il.

— Si tu veux, lui répondit Thérèse, nous irons faire une promenade en mer ?

— Volontiers.

— Té ! jusqu’à Brescou, sur le bateau des voyageurs.

À deux heures, la grosse cloche de l’embarcadère sonna. Thérèse et Philippe s’apprêtèrent avec entrain. Le vent s’était levé, un vent capricieux qui claquait en plis de drapeau dans le soleil. Presque en face du Château Vert, lorsqu’il franchit la passerelle branlante, Philippe se frotta les mains, en disant :

— Il ne fait pas chaud. Le temps se gâte.

— Ce ne sera rien, répliqua Thérèse.

Des baigneurs couraient sur le quai, à droite, à gauche, descendaient vers le primitif embarcadère. La cloche sonnait toujours. Le bateau était balourd, épuisé d’avoir près de cinquante ans transporté des barriques du port lointain d’Agde, aux ports de Cette ou de Marseille. Le pont s’encombrait de paquets de cordes, sur lesquels les passagers s’installaient à la bonne franquette. Thérèse et