avait jeté de l’huile sur le feu. Tout à coup, comme Mme Ravin se levait pour faire ses adieux, Thérèse avec emportement, cria :
— Si vous m’aimez de cette manière, merci !
— Ma petite, voyons. Il y a là une fatalité.
— Vous me préférez à la fille de cet homme !… Ah ! si vous les connaissiez !
— Parle !… Il est temps encore.
— Parle donc ! insista Philippe, dont la rudesse étonna.
Thérèse les menaça l’un et l’autre du regard, et, gonflant de mépris ses lèvres charnues, elle jeta :
— Je ne parlerai pas. Pas aujourd’hui… Bonsoir !…
D’un vol, elle disparut. Au milieu d’un silence lugubre, Mme Ravin soupira :
— Quelle enfant !… Il faut lui pardonner.
— Oui, tu peux le dire, Eugénie, gémit Irène. Elle est malheureuse. Enfin, tant pis ! Il n’y a qu’à s’incliner.
Mme Ravin, résolue à ne plus répondre à des plaintes, toujours les mêmes, et bien inutiles, trahit quelque embarras :
— Je pense que nous ne sommes pas brouillés. Autrement, il nous serait impossible d’accepter ces cadeaux.
— Par exemple !… se récrièrent les Jalade. Ils sont offerts de bon cœur.
— Nous n’en doutons pas. Ainsi donc nous les acceptons de bon cœur. Et merci. Vous êtes trop généreux. Allons, au revoir !
Les deux mamans s’embrassèrent, non sans quelque malaise qui troublait leurs réels sentiments d’affection.
— Tu embrasseras ta petite pour moi, Irène.
— Pour moi aussi, dit Philippe. Ah ! quelle misère !…
Les Ravin gagnèrent à la hâte leur auto, où Jalade seul les accompagna. Dès que la voiture eut démarré, Mme Ravin interrogea son fils :
— Eh bien, que penses-tu de cette algarade ?
— Je n’en suis pas surpris.
— Ni moi. Ils se nourrissaient de si magnifiques rêves depuis si longtemps. À vrai dire, Thérèse ne convoite pas la fortune. Elle t’aime bien… Mais ses parents ! Ils n’étaient pas fâchés de nous donner leur fille et de trouver dans son mariage le moyen, sinon d’éteindre leurs dettes, au moins de recouvrer leur tranquillité.