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LE CHÂTEAU VERT


CHAPITRE PREMIER

Un matin d’août, par le plus beau soleil, au grau d’Agde, Benoît Jalade se désolait une fois de plus, que, malgré la prospérité du Château Vert, l’hôtel qu’il avait hérité de ses parents, les recettes ne suffisaient point aux dépenses. Sa femme, Irène, le rassurait de son mieux, dans le petit bureau qu’un couloir séparait de la cuisine, et où, avec leur fille Thérèse, ils goûtaient la douce intimité familiale.

— Je n’y comprends rien, disait Benoît. Nous faisons beaucoup d’argent, et il y a des jours où j’ai de la peine à acquitter des notes de rien du tout.

— Nous avons tant de frais, mon ami ! Et puis les ré­parations, les agrandissements, le garage… Ça coûte, un garage.

— Puisque nous avons augmenté le prix de la pension, nous devrions avoir de l’argent de reste. Or j’ai été encore obligé d’emprunter au brave François Ravin, il y a un mois.

— Tout s’arrangera, pourvu que nous ayons toujours beaucoup de monde.

— Il faudra que je sache où file mon argent. Dès aujourd’hui, je tiendrai une comptabilité sévère.

— Quel casse-tête tu vas t’infliger !

Benoît était assis à sa petite table d’acajou, qui appuyait contre le mur ses deux menus compartiments de tiroirs, où s’entassaient pêle-mêle des factures, des quittances, des papiers à lettres. Benoît, les coudes sur la table, souffrait véritablement, lui si loyal, de voir sa dette monter chaque jour. Il finit pourtant par donner raison à sa femme. Il lui donnait toujours raison.

Il se leva d’un sursaut, et se plaçant tout contre Irène, il lui dit :

— J’ai le cafard, des fois, que veux-tu !