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le château vert

— Bah ! Ravin, on comprend que pour vous cette révélation d’une action si ancienne de M. Barrière soit une chose cruelle. Vous ne la méritez pas. On vous plaint, mais, que diantre ! il est bon de démasquer les imposteurs qui nous trompent. Voyons, cette histoire de la cassette, ça ne s’invente pas !

— Rien à faire donc avec vous, messieurs. Tant pis ! N’insistons pas. Quand la vérité éclatera au grand jour, j’espère que vous éprouverez quelque remords. Hélas ! ce sera trop tard !

— Ah ! Ravin, vous allez trop loin !

Ravin, sans répondre, les enveloppa d’un geste de dédain et disparut.

Le lendemain soir, prétextant une abondance de travail, il laissa Philippe, à la fermeture de ses bureaux, rentrer seul à la maison. Ensuite, par un élan de générosité, il s’en alla informer Barrière du danger qui le menaçait. Car la légende, une fois qu’elle est enracinée au cœur d’un peuple, est si difficile à extirper !

Quand il eut, au delà de l’Hérault, traversé la place où débouche le pont suspendu, il descendit le boulevard qui amène à la promenade et, dans la direction du Cratère et du Cap, il gagna le vieux chemin de campagne, au lieu de se diriger vers la haute grille de sa propriété. Dans le vieux chemin pétri de rocailles, déchiré d’ornières et bordé de murs laids que par endroits ourle la mousse, à l’avant-dernière porte, si modeste en son cadre de briques rouges, il s’arrêta.

La bonne, qui depuis vingt ans servait les Barrière, vint lui ouvrir. Un flot de lumière éclaira des corbeilles de fleurs, des groupes de volumineux vases de grès, une serre aux glauques carreaux. Par une allée pavée de briques jaunes et rouges, la bonne la conduisit à la maison, logis d’ancien temps, restauré avec un goût de pittoresque et de confort.

— C’est à M. Barrière seul que je désire parler. Et je souhaite que ces dames ne sachent rien de ma visite.

— Oui, monsieur.

Elle conduisit M. Ravin jusqu’au fond d’un large couloir à une petite porte rencoignée dans l’épaisse muraille. C’était là le cabinet de travail réservé à l’horticulteur, qui s’y plaisait tant. Dès que le jour ne lui permettait plus de se consacrer à son domaine, Barrière venait s’asseoir à