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le château vert

porte prudemment. Il ne souriait plus. Sous le poids d’une lourde douleur, il baissait le dos.

— Qu’est-ce qu’il vous faut ?

— Madame, ma femme est malade.

— Nous aussi, nous sommes malades !

Micquemic eut un tressaillement de surprise, jeta un regard de défi sur la dame aujourd’hui hautaine, qui l’avait tant flatté l’autre jour. Mais son regard violent s’éteignit. De nouveau, il pleurnicha :

— Pour vous soigner, vous avez de quoi. Moi, je n’ai pas de quoi. Je vous demande de me prêter un petit quelque chose.

— D’abord, êtes-vous sûr de l’infamie de M. Barrière ?

— Ah ! mon Dieu, madame ! La preuve, c’est que, pas plus tard qu’hier, Barrière est venu me supplier de ne rien dire de l’histoire que vous savez.

— En effet, je me promenais sur la plage, avec Mademoiselle, lorsque nous l’avons aperçu en compagnie de ses enfants.

— C’est ça. Il descendait de chez moi. Ses enfants l’avaient attendu au Bras de Richelieu.

— Tu vois, maman, ce que je te disais ! s’exclama Thérèse, triomphante.

— Oui, ma fille, tu avais deviné. Alors, Micquemic, si M. Barrière vous a prié de démentir son action abominable, que ferez-vous ?

Micquemic balança dolemment la tête de droite à gauche et, les yeux à terre, il bredouilla :

— Mon Dieu, madame, s’il le faut, je dirai la vérité

— Il le faut toujours.

— Seulement, je suis malheureux. Or, je dois vous avertir que M. Barrière ne m’a jamais manqué de charité.

— C’est son intérêt d’acheter votre silence.

— Je dis pas, mais j’en profite. Té !… D’ailleurs, vous verrez qu’on finira par tout savoir, que les Ravin auront des scrupules.

— Ils n’en ont pas l’air.

— Ce n’est pas mon opinion, surtout depuis hier que j’ai vu chez moi ce finaud de Barrière. Alors, si vous êtes aussi charitable que lui…

Pou à peu Micquemic recouvrait son assurance ; il tendait presque la main.